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PAGES DU PRATICIEN
Effets bénéfiques et risques du contrôle strict de la glycémie chez le patient adulte en état critiqueUne méta-analyse
Renda Soylemez Wiener, MD, MPH;
Daniel C. Wiener, MD;
Robin J. Larson, MD, MPH
JAMA. 2008;300(8):933-944
RÉSUMÉ
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Contexte LAmerican Diabetes Association et la Surviving Sepsis Campaign recommandent un contrôle strict de la glycémie chez le patient en état critique, en se fondant largement sur un essai ayant montré une réduction de la mortalité dans une unité de soins intensifs chirurgicaux. Des résultats différents ayant été observés dans des études similaires et un contrôle strict de la glycémie pouvant entraîner une hypoglycémie dangereuse, une évaluation critique des données qui sous-tendent cette recommandation est nécessaire.
Objectif Évaluer les effets bénéfiques et les risques du contrôle strict de la glycémie par rapport aux soins habituels chez le patient adulte en état critique.
Sources des données MEDLINE (de 1950 à 2008), la Cochrane Library, les registres dessais cliniques, les listes bibliographiques et les actes de conférences de lAmerican Thoracic Society (de 2001 à 2008) et de la Society of Critical Care Medicine (de 2004à 2008).
Sélection des études Nous avons recherché les études dans lesquelles des patients adultes de soins intensifs étaient répartis de façon aléatoire en plusieurs groupes, certains bénéficiant d'un contrôle strict de la glycémie et dautres d'un contrôle glycémique habituel, sans restriction de langue. Sur les 1 358 études identifiées, 34 essais randomisés (23 publications complètes, neuf résumés et deux études non publiées) remplissaient les critères dinclusion.
Extraction et analyse des données Deux auteurs ont extrait les données indépendamment en utilisant un protocole prédéterminé et évalué la qualité méthodologique à partir d'une échelle normalisée. Les investigateurs des études ont été contactés afin dobtenir certaines informations manquantes. Nous avons utilisé des modèles à effets fixes et aléatoires pour estimer les risques relatifs (RR).
Résultats 29 essais comparatifs randomisés portant sur 8 432 patients au total ont été inclus dans cette méta-analyse. Dans l'ensemble aucune différence na été observée en termes de mortalité hospitalière entre les patients ayant bénéficié d'un contrôle strict de la glycémie et ceux ayant reçu les soins habituels (21,6 % contre 23,3 % ; RR = 0,93 [intervalle de confiance (IC) 95 : 0,85-1,03]). Aucune différence significative en termes de mortalité n'a été mise en évidence en cas de stratification en fonction de la cible glycémique ([1] très stricte : 110 mg/dL : 23 % contre 25,2 % ; RR = 0,90 [IC95 : 0,77-1,04], ou [2] modérément stricte : < 150 mg/dL ; 17,3 % contre 18,0 % ; RR = 0,99 [IC95 : 0,83-1,18]) ou en fonction du type de lunité de soins intensifs ([1] chirurgicaux : 8,8 % contre 10,8 % ; RR = 0,88 [IC95 : 0,63-1,22] ; [2] médicaux : 26,9 % contre 29,7 % ; RR = 0,92 [IC95 : 0,82-1,04] ; ou [3] médico-chirurgicaux : 26,1% contre 27,0% ; RR = 0,95 [IC95 : 0,80-1,13]. Un contrôle strict de la glycémie n'a pas été associé à une réduction significative du risque de nouveau besoin de dialyse (11,2 % contre 12,1 % ; RR = 0,96 [IC95 : 0,76-1,20]), mais a été associé à une réduction significative du risque de septicémie (10,9 % contre 13,4 % ; RR = 0,76 [IC95 : 0,59-0,97] ; et à une augmentation significative du risque d'hypoglycémie (glucose 40 mg/dL ; 13,7 % contre 2,5 % ; RR = 5,13 [IC95 : 4,09-6,43]).
Conclusion Chez le patient adulte en état critique, un contrôle strict de la glycémie nest pas associé à une réduction significative de la mortalité hospitalière mais est associé à une augmentation du risque d'hypoglycémie.
En 2001, Van den Berghe et al.1 ont publié un essai comparatif randomisé portant sur des patients chirurgicaux en état critique qui faisait état d'une réduction d'un tiers de la mortalité hospitalière en cas de contrôle strict de la glycémie. La réduction la plus forte ayant été observée dans le sous-groupe de patients présentant une septicémie et une défaillance multiviscérale, certains ont soulevé lhypothèse que les effets bénéfiques dun contrôle strict de la glycémie pourraient également sappliquer aux patients en unité de soins intensifs (USI) médicaux.2
Chez le patient adulte en état critique, rares sont les interventions entraînant une telle réduction de la mortalité, c'est pourquoi les résultats de cet essai ont été accueillis avec enthousiasme et rapidement intégrés dans les directives. En 2004, la Surviving Sepsis Campaign3 recommandait un contrôle glycémique chez tous les patients atteints d'une septicémie et affirmait explicitement qu'il « n'y [avait] aucune raison de penser que ces données ne sont pas généralisables à tous les patients atteints d'une septicémie sévère. » Cette recommandation figure toujours dans la mise à jour de 2008 et a été adoptée à l'échelle internationale par 16 associations professionnelles.4En outre, lInstitute for Healthcare Improvement5, la Volunteer Hospital Association6, la Michigan Health and Safety Coalition7, lAmerican Association of Clinical Endocrinologists8, et lAmerican Diabetes Association9 recommandent à présent un contrôle strict de la glycémie chez tous les adultes en état critique.
Ces recommandations ont conduit à ladoption dans le monde entier du contrôle strict de la glycémie dans un grand nombre dunités de soins intensifs.10-14 Des essais comparatifs randomisés ultérieurs portant sur un contrôle strict de la glycémie en USI médicaux et médico-chirurgicaux15-17 n'ont toutefois pas permis de reproduire ces résultats bénéfiques en termes de mortalité. En outre, une récente étude de cohorte18 portant sur plus de 10 000 adultes en état critique a mis en évidence, après ajustement des données en fonction de la gravité de la pathologie, une tendance vers une augmentation de la mortalité avec laugmentation de lutilisation du contrôle strict de la glycémie. Par ailleurs, de nombreuses études ont fait état de taux élevés dhypoglycémie en cas de contrôle strict de la glycémie, atteignant parfois 30 % à 40 %, contre les 5 % relevés dans lessai initial de van Berghe et al.1 Lhypoglycémie nest pas bénigne chez le patient en état critique ; elle a été associée à des événements neurologiques graves, allant de convulsions à un coma.19,20 Ceci a donné lieu à la naissance dune controverse majeure quant à lopportunité dun contrôle strict de la glycémie chez ladulte en état critique. Nous présentons ici les résultats dune méta-analyse des essais comparatifs randomisés examinant les risques et effets bénéfiques dun contrôle strict de la glycémie par rapport aux soins habituels chez ladulte en état critique. Outre lanalyse générale, nous avons également réalisé des analyses de sous-groupes en fonction de deux variables sources de débat dans la controverse sur le contrôle strict de la glycémie : la cible glycémique ( 110 mg/dL ou < 150 mg/dL) et le type dUSI (médicaux, chirurgicaux ou tous les patients en état critique).
MÉTHODES
Stratégie de recherche
Nous avons effectué une recherche dans MEDLINE (de 1950 au 6 juin 2008), sans restriction de langue, afin didentifier toutes les études en rapport avec notre question de recherche. Nous avons utilisé des descripteurs MeSH (Medical Subject Headings) explosés avec la stratégie de recherche suivante : unités soins intensifs ou soins état critique ou maladie critique ou soins postopératoires ou sepsie ou infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral ou intervention chirurgicale vasculaire, ou plaies et lésions traumatiques, et glycémie ou insuline (administration et posologie, effets indésirables, usage thérapeutique, traitement). Nous avons combiné les résultats de cette recherche avec les phases 1 et 2 dune stratégie de recherche hautement sensible21 recommandée par la Cochrane Collaboration pour identifier tous les essais comparatifs randomisés dans MEDLINE. Nous avons également effectué des recherches à partir de termes similaires dans la Cochrane Library (issue 1, 2008) et plusieurs registres dessais (en août 2007), y compris clinicaltrials .gov (National Institutes of Health, instituts américains de santé), le registre Current Controlled Trials (permettant de procéder à des recherches dans le registre de numérotation internationale standardisée des essais cliniques randomisés International Standard Randomized Controlled Trial Number et 12 autres registres dessais), le registre australien et néozélandais dessais cliniques Australian New Zealand Clinical Trials Registry, et le registre japonais des essais cliniques du réseau dinformation des CHU, Japans University Hospital Medical Information Network Clinical Trial Registry. Nous avons procédé à une recherche manuelle de résumés dans les actes de conférences de lAmerican Thoracic Society (de 2001 à 2008) et de la Society of Critical Care Medicine (de 2004 à 2008). En outre, nous avons passé en revue les listes bibliographiques de tous les articles pertinents afin didentifier toute autre étude qui aurait échappé à notre recherche.
Sélection des études
Critères d'inclusion. Nous avons inclus les essais comparatifs randomisés qui remplissaient les critères suivants : (1) le lieu de létude était une unité de soins intensifs pour adultes ; (2) le groupe dintervention bénéficiait dun contrôle strict de la glycémie (cible glycémique < 150 mg/dL atteinte par une perfusion dinsuline pendant tout ou partie de lhospitalisation en soins intensifs) ; (3) le groupe témoin recevait les soins habituels (la cible glycémique et le mode dadministration de linsuline pouvait varier dune étude à lautre) ; et (4) les critères dévaluation primaires ou secondaires incluaient la mortalité hospitalière ou à court terme (< 30 jours), la septicémie, le nouveau besoin de dialyse ou lhypoglycémie. Pour convertir les valeurs glycémiques en mmol/L, il suffit de les multiplier par 0,0555.
Critères d'exclusion. Les études ont été exclues si lintervention était pratiquée principalement au cours de la période peropératoire, et non pendant lhospitalisation en USI, ou si nous navons pas été en mesure dobtenir les données requises concernant la méthodologie de létude ou ses résultats à partir de larticle ou auprès des investigateurs de létude.
Données manquantes. Nous avons contacté les investigateurs de toutes les études non publiées et de toutes les études publiées pour lesquelles des données manquaient afin den confirmer ladmissibilité et dobtenir plus de détails sur létude.
Extraction des données et évaluation de la qualité
Deux auteurs (R.S.W. et D.C.W.) ont procédé, indépendamment et sans insu, à une double extraction et évaluation des données pertinentes des essais à partir dun formulaire prédéfini, standardisé (disponible auprès des auteurs). Les données extraites incluaient la méthodologie et le lieu de chaque étude, les caractéristiques initiales des patients, lintervention, les critères dévaluation et le suivi. Nous avons formellement évalué la qualité méthodologique de chaque essai au moyen de léchelle de Jadad,22 qui se fonde sur la randomisation, lutilisation de la technique en aveugle et le taux de perdus de vue pour établir un score compris entre 0 et cinq, les scores les plus élevés correspondant aux meilleurs niveaux de qualité. Tout désaccord entre les deux auteurs a été résolu par discussion. Les auteurs de quatre études présentées lors de réunions mais nayant pas encore fait lobjet de publications ont fourni les données non publiées ou les manuscrits.23-26 Les auteurs de deux autres études présentées à loccasion de réunions17,27 et de deux études non publiées (J.R.A. Azevedo et al., janvier 2008 et R.P.C Chan et al., juillet 2007) ont complété un formulaire standardisé dextraction de données.
Critères dévaluation
Critère dévaluation principal : mortalité hospitalière. Nous avons considéré une réduction de la mortalité hospitalière comme étant leffet bénéfique potentiel le plus important du contrôle strict de la glycémie. La mortalité hospitalière a été définie comme un décès survenant au cours de lhospitalisation ou dans les 30 jours suivant ladmission.
Critères dévaluation secondaires : septicémie, nouveau besoin de dialyse et hypoglycémie. Nous avons comparé lassociation entre un contrôle strict de la glycémie ou des soins habituels et deux autres effets bénéfiques potentiels du contrôle strict : les taux de septicémie et de nouveau besoin de dialyse. Ces critères dévaluation ont été choisis en raison de leur plausibilité biologique, étant donnée lassociation entre une hyperglycémie non contrôlée et une infection récurrente et une insuffisance rénale chronique chez le patient diabétique, et de la mise en évidence dune réduction de ces taux dans lessai initial mené par van den Berghe et al.1 Nous avons défini la septicémie comme incluant les termes sepsie, septicémie, bactériémie, ou une description de cultures sanguines positives ; une description générale de linfection na pas été considérée comme valable. Le nouveau besoin de dialyse faisait spécifiquement référence aux patients qui navaient pas besoin de dialyse auparavant et qui ont développé par la suite une insuffisance rénale aiguë nécessitant une dialyse. Les critères spécifiques déterminant le besoin de dialyse nont pas été précisés ; cependant, les patients présentant une augmentation de la créatinine sérique ne nécessitant pas une dialyse nentraient pas dans le cadre de cette définition. Lhypoglycémie est le principal effet nocif potentiel dun contrôle strict de la glycémie. Dans le cadre de la définition de lhypoglycémie, nous avons inclus les patients ayant présenté une ou plusieurs mesures glycémiques inférieures ou égales à 40 mg/dL et les essais précisant si des symptômes associés ont été signalés. Il convient de souligner que notre définition est largement inférieure au seuil de glycémie considéré par lAmerican Diabetes Association comme indiquant une hypoglycémie (glycémie < 70 mg/dL).9 Nous avons choisi dutiliser cette définition stricte afin de recenser les événements hypoglycémiques suffisamment sévères pour avoir une signification clinique potentielle, indépendamment de la présence de symptômes concomitants, et car le seuil de glycémie de 40 mg/dL correspondait à la définition de lhypoglycémie la plus fréquemment utilisée dans les essais inclus. Toutes les mesures de résultat ont été calculées par patient ; par exemple, si un patient a présenté plusieurs épisodes dhypoglycémie, cela na été comptabilisé que comme un événement pour ce critère dévaluation.
Analyses de sous-groupes
Nous avons identifié a priori deux variables permettant une analyse de sous-groupes en nous fondant sur les principales controverses soulevées dans le cadre du débat autour du contrôle strict de la glycémie : la cible glycémique et la nature de lUSI.
Cible glycémique dans le groupe bénéficiant dun contrôle strict de la glycémie. Il existe différentes écoles concernant le niveau optimal de contrôle strict de la glycémie. En nous basant sur les recommandations de 2008 relatives au contrôle de la glycémie chez les patients en état critique de lAmerican Diabetes Association9 (aussi proche que possible de 110 mg/dL) et de la Surviving Sepsis Campaign4 (< 150 mg/dL), nous avons stratifié les études en deux catégories en fonction de la cible glycémique visée dans le groupe bénéficiant dun contrôle strict de la glycémie : un contrôle très strict (limite supérieure de la cible glycémique 110 mg/dL) et un contrôle modérément strict (limite supérieure de la cible glycémique comprise entre 111 et 150 mg/dL).
Nature de lUSI. Étant donnée lhypothèse selon laquelle leffet pathophysiologique de lhyperglycémie pourrait être différent chez les patients médicaux et chirurgicaux en état critique, nous avons classé les essais en trois catégories en fonction du type de lunité de soins intensifs dans laquelle étaient pris en charge les patients : (1) chirurgicaux (y compris les USI traumatiques, neurochirurgicaux, cardiothoraciques et de chirurgie générale) ; médicaux (y compris les USI neurologiques, cardiologiques et de médecine générale) ; ou (3) médico-chirurgicaux. Nous avons inclus les essais dans lesquels la nature de lUSI nétait pas précisée28-31 dans la catégorie médico-chirurgicale.
Analyses de sensibilité
Nous avons réalisé des analyses de sensibilité reposant sur trois variables cliniquement pertinentes prédéterminées : la proportion de diabétiques, lutilisation de perfusions dinsuline seule et la glycémie moyenne effectivement obtenue dans les groupes à létude. Dans la mesure où lhyperglycémie pourrait constituer ou non une réponse inadaptée nécessitant un traitement selon que le patient soit diabétique ou pas, nous avons restreint lanalyse aux essais dans lesquels seuls un tiers ou moins des participants étaient diabétiques (un seuil arbitraire fixé à partir de la répartition naturelle des diabétiques dans les essais inclus). Nous avons restreint lanalyse aux essais utilisant des perfusions dinsuline seule (par opposition aux perfusions associant glucose, insuline et potassium), car les effets de ces interventions pourraient être différents. Nous avons restreint lanalyse aux études dans lesquelles une différence dau moins 20 mg/dL a été observée entre la glycémie moyenne du groupe bénéficiant dun contrôle strict du glucose et celle du groupe recevant les soins habituels (une différence spécifiée a priori comme étant cliniquement significative), car les études dans lesquelles la différence atteinte nétait pas cliniquement significative auraient pu biaiser nos résultats vers le nul. En outre, pour lanalyse de sous-groupes comparant un contrôle très strict de la glycémie à un contrôle modérément strict, nous avons classé les études en fonction de la glycémie moyenne effectivement obtenue et non en fonction de la cible glycémique car, dans de nombreuses études, la cible glycémique et la glycémie effectivement atteinte dans le groupe bénéficiant dun contrôle strict étaient disparates.
Synthèse quantitative des données
Nous avons utilisé lapproche analytique et le logiciel fourni par la Cochrane Collaboration pour toutes les analyses (Review Manager [RevMan] version 4.2, Nordic Cochrane Centre, Copenhague, Danemark). Ce logiciel calcule les risques relatifs (RR) pour les études comprenant au moins un événement pour chaque critère dévaluation dans chacun des groupes à létude. Lorsquil manquait des données concernant un critère dévaluation ou quaucun événement navait été observé pour un critère dévaluation dans aucun des deux groupes à létude, lessai concerné était exclu de la méta-analyse pour ce critère dévaluation. Nous avons calculé un RR combiné et un intervalle de confiance [IC] 95 pour chaque critère dévaluation et nous avons considéré les résultats obtenus comme étant statistiquement significatifs lorsque la valeur p du test déterminant leffet global était inférieure à 0,05. Pour chaque critère, nous avons évalué limportance de la variabilité entre les résultats des essais contribuant à chaque estimation combinée au moyen de deux seuils reposant sur le test ². Nous avons considéré une valeur p inférieure à 0,10 comme indiquant une hétérogénéité statistiquement significative. Un certain degré dhétérogénéité étant inévitable dans le cadre dune méta-analyse, certains estiment quau lieu den évaluer la signification statistique, les auteurs devraient en étudier les effets. Une méthode consiste à procéder au test I² qui calcule le pourcentage de variation entre les résultats des essais lié à une hétérogénéité et non au hasard. Un résultat supérieur à 50 % indique une hétérogénéité significative. Dans notre méta-analyse, lorsque lun de ces seuils indicateurs de variabilité était atteint, nous avons identifié lessai à lorigine de cette hétérogénéité et passé en revue ses caractéristiques méthodologiques et cliniques afin de vérifier sil y avait une explication à ces résultats divergents. Pour chaque cas de ce type, nous avons indiqué deux estimations combinées : (1) une estimation reposant sur toutes les études comprenant des données utilisables, y compris le (ou les) essai(s) dont les résultats étaient divergents, et (2) une estimation reposant sur le groupe détudes le plus important fournissant des données utilisables et en deça des seuils limites d'hétérogénéité I² et de valeur p. Il ny a pas de consensus concernant le modèle à privilégier, entre un modèle à effets fixes et un modèle à effets aléatoires, lors du calcul des estimations combinées dans le cadre dune méta-analyse (Cochrane Handbook for Systematic Reviews of Interventions version 5.0 ; disponible en ligne à ladresse suivante : http://www.cochrane-handbook.org). Alors que les modèles à effets fixes donnent généralement lieu à des IC plus restreints, les deux modèles tendent à entraîner des résultats similaires, sauf en cas dhétérogénéité entre les études incluses. Nous pensons quun modèle à effets aléatoires est préférable pour les méta-analyses visant à évaluer lefficacité dune intervention, notamment pour les analyses qui incluent des événements indésirables majeurs, car cela réduit le risque derreur de type 1. En outre, en cas dhétérogénéité, le modèle à effets aléatoires est recommandé par la Cochrane Collaboration car il admet par essence la présence dune variabilité entre les essais inclus. En conséquence, nous avons indiqué les résultats du modèle à effets aléatoires pour tous les critères d'évaluation. Par ailleurs, en cas dabsence dhétérogénéité entre les études, nous avons également indiqué les résultats du modèle à effets fixes dans les cas où les deux modèles donnaient lieu à des résultats significativement différents. Nous avons évalué visuellement un graphique en entonnoir de la taille des études par rapport à la taille des effets pour notre critère dévaluation principal (la mortalité hospitalière) en vue de déterminer déventuelles preuves de biais de publication.
RÉSULTATS
Résultats de la recherche et sélection des essais
Nous avons dans un premier temps identifié 1 358 études potentiellement admissibles (FIGURE 1), dont la majorité ont été exclues car elles étaient encore en cours, car il ne sagissait pas dessais comparatifs randomisés ou car lintervention sur laquelle elles portaient nétait pas le contrôle strict de la glycémie. Après avoir passé en revue les 115 essais comparatifs restants, nous en avons identifié 34 (dont deux études non publiées) qui remplissaient tous les critères dinclusion et qui ont été considérés comme pouvant potentiellement être inclus dans notre méta-analyse. 1,15-17,23-50 Par la suite, nous avons exclu un essai34 faute davoir pu confirmer les données détaillées de létude malgré plusieurs tentatives pour contacter les investigateurs, et quatre autres essais28,32,40,42 qui ne faisaient état daucun événement pour aucun des critères dévaluation pertinents pour notre analyse dans aucun des groupes à létude. Il nous restait par conséquent 29 essais comparatifs randomisés (19 publications complètes, 1, 15, 16, 29-31, 33, 35-39, 41, 43-46, 48, 49 huit comptes-rendus disponibles sous forme de résumés uniquement,17,23-27,47,50 et deux études non publiées) portant sur 8 432 patients au total et comprenant des données utilisables dans le cadre de notre méta-analyse.
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Figure 1. Sélection des études pour inclusion dans la méta-analyse portant sur le contrôle de la glycémie chez le patient adulte en état critique ECR signifie essai comparatif randomisé.
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Caractéristiques de létude
Le TABLEAU 1 présente les caractéristiques des 34 essais comparatifs randomisés qui remplissaient nos critères dinclusion. Les essais, monocentriques pour la plupart, ont été réalisés dans des pays des quatre coins du monde. Leur taille variait considérablement (de 10 à plus de 1 500 patients), 21 essais portant sur moins de 100 patients et sept autres incluant plus de 500 patients. Parmi les participants des études figuraient divers types de patients adultes hospitalisés en USI, comme en témoignent les différences en termes dâges moyens (de 46 à 75 ans), de répartition par sexe (de 31 % à 95 % dhommes), de proportion de patients diabétiques (de 0 à 100 %) et de degré de gravité de la pathologie, mesurée au moyen du score APACHE II (Acute Physiology and Chronic Health Evaluation) moyen (compris entre 9 et 32). Seules deux études29,46 comprenaient une disparité entre les caractéristiques initiales des patients dans le groupe dintervention et le groupe témoin. Dans ces deux études, la gravité des pathologies était plus faible dans le groupe ayant bénéficié dun contrôle strict de la glycémie que dans le groupe ayant reçu les soins habituels (scores APACHE II moyens : 14 contre 17 dans lessai mené par Wang et al.29, et 19 contre 22, p < 0,01 dans lessai réalisé par Mitchell et al.46). Tous les essais comprenaient des taux de suivi supérieurs ou égaux à 80 %. Aucun des essais ne comprenant de répartition en double aveugle des patients dans les groupes à létude, aucun deux na pu obtenir de score de qualité de Jadad supérieur à trois ou cinq. Les cibles glycémiques visées et les glycémies moyennes effectivement obtenues variaient dun essai à lautre dans les groupes ayant bénéficié dun contrôle strict de la glycémie et dans les groupes ayant reçu les soins habituels (TABLEAU 2).
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Tableau 1. Caractéristiques des essais comparatifs randomisés comparant un contrôle strict de la glycémie aux soins habituels chez le patient adulte en état critique remplissant tous les critères dinclusion
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Tableau 2. Cibles glycémiques et glycémies moyennes obtenues dans les essais inclus dans la méta-analyse finale
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Critère dévaluation principal : mortalité hospitalière
Vingt sept études, dont deux non publiées, ont fourni des données utilisables concernant la mortalité hospitalière.1, 15-17, 23-27, 29, 30, 35-39, 41, 43-50 Dans ces essais, aucune différence significative na été observée en termes de mortalité hospitalière entre la stratégie de contrôle strict de la glycémie et les soins habituels (21,6 % contre 23,3 % ; RR = 0,93 [IC95 : 0,85-1,03] ; FIGURE 2). Nous avons également réalisé des analyses de sous-groupes en stratifiant les essais en fonction du type dUSI et de la cible glycémique dans le groupe ayant bénéficié dun contrôle strict de la glycémie. Aucune différence significative en termes de mortalité hospitalière na été mise en évidence en cas de stratification en fonction du type dunité de soins intensifs : chirurgicaux (8,8 % contre 10,8 % ; RR = 0,88 [IC95 : 0,63-1,22]), médicaux (26,9 % contre 29,7 % ; RR = 0,92 [IC95 : 0,82-1,04]) et médico-chirurgicaux (26,1 % contre 27,0 % ; RR = 0,95 [IC95 : 0,80-1,13] ; Figure 2). De la même façon, aucune différence significative na été observée en termes de mortalité hospitalière entre la stratégie de contrôle strict de la glycémie et les soins habituels, en cas de stratification en fonction de la cible glycémique dans le groupe ayant bénéficié dun contrôle strict (très strict : 23,2 % contre 25,2 % ; RR = 0,90 [IC95 : 0,77-1,04] ; et modérément strict : 17,3 % contre 18,0 % ; RR = 0,99 [IC95 : 0,83-1,18] ; FIGURE 3). Les tests dhétérogénéité ont montré que lessai mené par Wang et al.29 présentait des résultats divergents par rapport aux sous-groupes dessais portant sur les USI médico-chirurgicaux (p = 0,03, I² = 48 %) et ceux portant sur le contrôle très strict de la glycémie (p = 0,02, I² = 49 %), qui semblent pouvoir être expliqués par les disparités précédemment mentionnées concernant la gravité initiale de la pathologie, lors de linclusion dans lessai. Lexclusion de lessai ayant obtenu des résultats divergents29 a résolu le problème de cette hétérogénéité mais na pas entraîné de modification significative concernant les résultats des analyses de sous-groupes (USI médico-chirurgicaux : RR = 1,00 [IC95 : 0,90-1,11], contrôle très strict de la glycémie : RR = 0,94 [IC95 : 0,84-1,05]).
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Figure 2. Association entre un contrôle strict de la glycémie et la mortalité hospitalière, par rapport aux soins habituels, stratifiée en fonction de la nature de lUSI et de la cible glycémique visée dans le groupe ayant bénéficié dun contrôle strict de la glycémie USI : unité de soins intensifs.
aCes données ont été obtenues de sources non publiées (voir la section « Extraction des données et évaluation de la qualité »).
bTest dhétérogénéité pour les patients dUSI chirurgicaux : I² = 17 % ; p = 0,30.
cTest dhétérogénéité pour les patients dUSI médicaux : I² = 0 % ; p = 0,98.
dTest dhétérogénité pour les patients dUSI médico-chirurgicaux : I² = 48 %, p = 0,03. En cas dexclusion de lessai mené par Wang et al., 29 présentant des disparités concernant la gravité initiale des maladies, le risque relatif combiné obtenu est égal à 1,00 [intervalle de confiance 95 : 0,90-1,11], test dhétérogénéité : I² = 0 % ; p = 0,47.
eTest dhétérogénéité pour tous les patients en état critique : I² = 18 % ; p = 0,20.
fLe centre du marqueur indique lestimation ponctuelle du risque relatif ; sa largeur est proportionnelle au poids attribué à létude et la longueur de la ligne représente lintervalle de confiance 95.
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Figure 3. Association entre un contrôle strict de la glycémie et différents critères dévaluation chez l'adulte en état critique, par rapport aux soins habituels, stratifiée en fonction de la cible glycémique visée dans le groupe ayant bénéficié d'un contrôle strict de la glycémie aTests dhétérogénéité pour la mortalité hospitalière : contrôle très strict de la glycémie : I² = 49 %, p = 0,02 ; contrôle modérément strict de la glycémie : I² = 0 %, p = 0,92 ; totale : I² = 18 %, p = 0,20. Les résultats suivants ont été obtenus après exclusion de l'essai mené par Wang et al.29 : risque relatif pour le groupe ayant bénéficié dun contrôle très strict de la glycémie = 0,94 [intervalle de confiance 95 : 0,84-1,05], test d'hétérogénéité : I² = 19 %, p = 0,25.
bTests dhétérogénéité pour la septicémie : contrôle très strict de la glycémie : I² = 64 %, p = 0,04 ; contrôle modérément strict de la glycémie : I² = 0 %, p = 0,63 ; total : I² = 35 %, p = 0,14.Les résultats suivants ont été obtenus après exclusion de l'essai mené par van den Berghe1 : risque relatif pour le groupe ayant bénéficié dun contrôle très strict de la glycémie = 0,92 [intervalle de confiance 95 : 0,71-1,20], test d'hétérogénéité : I² = 31 %, p = 0,24.
cTests dhétérogénéité pour le nouveau besoin de dialyse : contrôle très strict de la glycémie : I² = 55 %, p = 0,06 ; contrôle modérément strict de la glycémie : I² = 0 %, p = 0,64 ; total : I² = 25 %, p = 0,22.Les résultats suivants ont été obtenus après exclusion de l'essai mené par van den Berghe1 : risque relatif pour le groupe ayant bénéficié dun contrôle très strict de la glycémie = 1,13 [intervalle de confiance 95 : 0,91-1,40], test d'hétérogénéité : I² = 0 %, p = 0,86.
dTests d'hétérogénéité pour l'hypoglycémie : contrôle très strict de la glycémie : I² = 0 %, p = 0,48 ; contrôle modérément strict de la glycémie : I² = 0 %, p =0,91 ; total : I² = 0 %, p = 0,74.
eLe centre du marqueur indique lestimation ponctuelle du risque relatif et la longueur de la ligne représente lintervalle de confiance 95. La taille des marqueurs reflète le poids des différentes études.
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Critères dévaluation secondaires : septicémie, nouveau besoin de dialyse et hypoglycémie.
La Figure 3 indique les associations entre un contrôle strict de la glycémie et les différents critères dévaluation secondaires analysés et stratifiés en fonction de la cible glycémique utilisée dans le groupe ayant bénéficié dun contrôle strict de la glycémie. La FIGURE 4 présente les associations entre un contrôle strict de la glycémie et les différents critères dévaluation, classifiés en fonction du type dUSI (les données relatives à ces critères sont disponibles sur demande auprès des auteurs).
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Figure 4. Association entre un contrôle strict de la glycémie et différents critères dévaluation chez l'adulte en état critique, par rapport aux soins habituels, stratifiée en fonction de la nature du l'USI USI : unité de soins intensifs.
aTests dhétérogénéité pour la mortalité hospitalière : USI chirurgicaux : I² = 17 %, p = 0,30 ; USI médicaux : I² = 0 %, p = 0,98 ; USI médico-chirurgicaux : I² = 48 %, p = 0,03 ; total : I² = 18 %, p = 0,20. Les résultats suivants ont été obtenus après exclusion de lessai mené par Wang et al.29 : risque relatif pour le groupe admis en USI médico-chirurgicaux = 1,00 [intervalle de confiance 95 : 0,90-1,11], test d'hétérogénéité : I² = 0 %, p = 0,47.
bTests dhétérogénéité pour la septicémie : USI chirurgicaux : I² = 0 %, p = 0,73 ; USI médicaux : non applicable ; USI médico-chirurgicaux : I² = 0 %, p = 0,49 ; total : I² = 35 %, p = 0,14.
cTests dhétérogénéité pour le nouveau besoin de dialyse : USI chirurgicaux : I² = 30 %, p = 0,24 ; USI médicaux : non applicable ; USI médico-chirurgicaux : I² = 0 %, p = 0,96 ; total : I² = 25 %, p = 0,22. En utilisant un modèle à effets fixes pour les données relatives aux USI chirurgicaux : risque relatif = 0,64 [intervalle de confiance 95 : 0,45-0,92].
dTests d'hétérogénéité pour l'hypoglycémie : USI chirurgicaux : I² = 0 %, p = 0,83 ; USI médicaux : I²= 51 %, p = 0,15 ; USI médico-chirurgicaux : I² = 0 %, p = 0,51 ; total : I² = 0 %, p = 0,74.
eLe centre du marqueur indique lestimation ponctuelle du risque relatif et la longueur de la ligne représente lintervalle de confiance 95. La taille des marqueurs reflète le poids des différentes études.
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Les taux de septicémie ont été étudiés dans neuf essais.1, 15, 23, 26, 30, 35-37, 48 Un contrôle strict de la glycémie a été associé à une réduction significative du risque de septicémie, par rapport aux soins habituels (10,9 % contre 13,4 % ; RR = 0,76 [IC95 : 0,59-0,97]). En cas de stratification en fonction du type dUSI, cette réduction du risque de septicémie était limitée aux patients admis en USI chirurgicaux1, 23, 35-37 (4,6 % contre 8,4 % ; RR = 0,54 [IC95 : 0,38-0,76]) et nétait pas observée chez les patients pris en charge en USI médicaux15 ou médico-chirurgicaux26, 30, 48 (Figure 4). En cas de stratification en fonction de la cible glycémique visée dans le groupe ayant bénéficié dun contrôle strict de la glycémie (Figure 3), une réduction quasi-significative du risque de septicémie, limitée aux études portant sur un contrôle modérément strict de la glycémie, a été observée (8,8 % contre 14,6 % ; RR = 0,64 [IC95 : 0,41-1,00]). Le test dhétérogénéité était uniquement significatif pour le sous-groupe dessais portant sur un contrôle très strict de la glycémie (p = 0,04 ; I² = 64 %). Nous avons identifié lessai mené par van den Berghe et al.1 dans une unité de soins intensifs chirurgicaux comme étant létude dont les résultats étaient divergents, mais nous navons pas été en mesure didentifier de raison évidente pour ces résultats. Lanalyse limitée aux études présentant des résultats homogènes na pas modifié nos résultats montrant une réduction non significative du taux de septicémie dans le sous-groupe dessais portant sur le contrôle très strict de la glycémie. Le nouveau besoin de dialyse a été étudié dans huit essais publiés1, 16, 23, 25, 26, 30, 35, 50 et dans un essai non publié (Azevedo). Dans lensemble, aucune association significative na été relevée entre un contrôle strict de la glycémie et un nouveau besoin de dialyse (11,2 % contre 12,1 % ; RR = 0,96 [IC95 : 0,76-1,20]). Les analyses de sous-groupes stratifiées en fonction de la cible glycémique (Figure 3) et du type dUSI (Figure 3) nont pas non plus montré dassociation significative entre un contrôle strict de la glycémie et un nouveau besoin de dialyse. Le test dhétérogénéité nétait significatif (p = 0,06 ; I² = 55 %) que pour le sous-groupe dessais évaluant un contrôle très strict de la glycémie ; une fois encore, l'essai mené par van den Berghe1 dans une unité de soins intensifs chirurgicaux présentait des résultats divergents. Que cet essai divergent soit exclu ou non, les résultats nétaient pas statistiquement significatifs (Figure 3). Inversement, le sous-groupe d'essais1, 23, 35 menés dans les unités de soins intensifs chirurgicaux (Figure 4) dépassaient les deux seuils d'hétérogénéité et les estimations combinées variaient selon le modèle utilisé. Alors que les résultats obtenus au moyen dun modèle à effets aléatoires n'étaient pas significatifs (RR = 0,69 [IC95 : 0,38-1,26]), lutilisation d'un modèle à effets fixes a montré une réduction significative du nouveau besoin de dialyse (RR = 0,64 [IC95 : 0,45-0,92]). Lhypoglycémie a été étudiée dans 14 essais publiés 1, 15-17, 23, 25, 26, 31, 33, 37, 38, 46, 47, 50 et dans un essai non publié (Azeved). Un contrôle strict de la glycémie a été associé à une augmentation du risque dhypoglycémie (13,7 % contre 2,5 % ; RR = 5,13 [IC95 : 4,09-6,43]). Comme on peut s'y attendre, dans le cadre dune comparaison par rapport aux soins habituels, le risque d'hypoglycémie était plus élevé chez les patients ayant bénéficié d'un contrôle très strict de la glycémie que chez ceux ayant bénéficié dun contrôle modérément strict de la glycémie (Figure 3). Le risque augmenté dhypoglycémie était relativement cohérent quelle que soit la nature de l'unité de soins intensifs (Figure 4). Une hétérogénéité (I² = 51 %) a été relevée entre les essais portant sur des unités de soins intensifs médicaux, mais ce sous-groupe ne comptant que deux essais,15, 38 nous ne sommes pas en mesure de déterminer lessai à lorigine de la disparité observée. Nous pensons toutefois que lessai38 portant sur huit patients et n'indiquant aucune augmentation du risque d'hypoglycémie est moins fiable que l'étude menée à plus grande échelle15 ayant mis en évidence une augmentation significative du risque. Alors que la plupart des essais ont indiqué quaucun ou que seuls de rares épisodes dhypoglycémie étaient associés à des symptômes manifestes, certaines études ont montré que les patients ayant eu une hypoglycémie présentaient un risque de mortalité plus élevé.15, 16, 26
Analyses de sensibilité
Pour chacune de nos analyses de sensibilité (le fait de restreindre lanalyse aux essais dans lesquels la proportion de patients diabétiques était inférieure ou égale à 34 %, aux essais utilisant uniquement des perfusions dinsuline, aux essais dans lesquels une différence dau moins 20 mg/dL a été observée entre les glycémies moyennes des groupes à l'étude, et la stratification des essais en fonction de la glycémie effectivement obtenue dans le groupe de contrôle strict de la glycémie), les différences relatives aux estimations ponctuelles étaient minimes pour la plupart des critères dévaluation. Ces estimations ponctuelles comptant des variations modérées restaient comprises dans de larges intervalles de confiance. Un changement en termes de signification statistique a été observé pour deux résultats seulement, en cas de stratification en fonction de la glycémie effectivement obtenue : la réduction du risque de septicémie est devenue statistiquement significatif dans le sous-groupe d'essais portant sur un contrôle très strict de la glycémie (RR = 0,58 [IC95 : 0,42-0,80]), alors que dans les essais portant sur un contrôle modérément strict de la glycémie, la réduction du taux de septicémie nétait plus significative (RR = 0,87 [IC95 : 0,63-1,21]).
Biais de publication
Lors de lévaluation visuelle du graphique en entonnoir relatif à la mortalité hospitalière, nous navons observé aucune preuve de biais de publication (données non présentées).
DISCUSSION
Dans cette méta-analyse dessais comparatifs randomisés comparant un contrôle strict de la glycémie aux soins habituels chez le patient adulte en état critique, nous n'avons observé aucune différence significative en termes de mortalité hospitalière ou de nouveau besoin de dialyse. Bien quun contrôle strict de la glycémie ait été associé à une réduction significative du risque total de septicémie, une analyse de sous-groupes à suggéré que cet effet bénéfique était limité aux patients admis en USI chirurgicaux. En revanche, nous avons mis en évidence des preuves claires des principaux effets nocifs associés au contrôle strict de la glycémie : une multiplication par cinq environ du risque d'hypoglycémie, quelle que soit la nature du service de soins intensifs, et une hypoglycémie plus fréquente chez les patients ayant bénéficié d'un contrôle très strict de la glycémie par rapport à ceux ayant bénéficié d'un contrôle modérément strict. En résumé, notre méta-analyse ne rejoint pas les conclusions de lessai initial mené par van den Berghe et al.1 concernant les effets bénéfiques dun contrôle strict de la glycémie, mais suggère un risque bien plus élevé dhypoglycémie.
Notre étude comporte toutefois plusieurs limitations. Dans la mesure où nous avons combiné les résultats dessais individuels, notre analyse est limitée par les éventuelles lacunes méthodologiques de ces différents essais. Même si aucun des essais inclus na utilisé de répartition en double aveugle des patients dans les groupes à létude, ce qui pourrait constituer une source de biais si les patients avaient été traités différemment, l'investigateur ayant connaissance du groupe auquel ils appartenaient, tous les essais sont parvenus à un bon équilibre concernant les caractéristiques initiales pertinentes, à lexception des disparités indiquées, et comprenaient un taux de suivi supérieur à 80 %. Dans ces études en ouvert, le risque d'un traitement différent est le plus prononcé pour le critère d'évaluation du nouveau besoin de dialyse, qui a de fortes chances d'être déterminé de façon subjective, au moins en partie, par les médecins traitants.
Bien que plusieurs études incluses aient été menées à petite échelle, les principales limitations de ce type d'essais (un manque de puissance et une faible possibilité de généralisation) sont atténuées par leur intégration dans le cadre d'une méta-analyse, et l'exclusion de ces études pourrait être une source de biais. Malgré une puissance accrue du fait de la combinaison d'un grand nombre d'études, notre méta-analyse risque toutefois de ne pas être suffisamment puissante pour déceler de faibles différences entre la stratégie du contrôle strict de la glycémie et les soins habituels concernant les critères d'évaluation étudiés. Par exemple, pour notre critère dévaluation principal de mortalité hospitalière, la puissance de notre méta-analyse (en considérant que = 0,05 et la puissance = 0,8) est suffisante pour déterminer la signification statistique dune différence absolue de 2,6 % en termes de mortalité (20,7 % contre 23,3 %), mais pas de la différence de 1,7 % en termes de mortalité effectivement identifiée dans cette méta-analyse (21,6 % contre 23,3 %). Pour disposer dune puissance suffisante permettant de considérer une différence de 1,7 % entre les groupes comme statistiquement significative, l'analyse devrait porter sur quelque 19 146 patients. Il existait des différences considérables concernant les caractéristiques initiales des patients et les protocoles de perfusion d'insuline entre les essais inclus dans notre méta-analyse. Cependant, cette diversité, qui ne semble pas avoir influencé les tests dhétérogénéité, à l'exception des points soulevés, nous a permis de couvrir l'ensemble des adultes en état critique et des procédures de soins en USI. En outre, une analyse de sensibilité basée sur des variables ayant une pertinence clinique potentielle na entraîné aucun changement majeur concernant nos résultats, ce qui encourage la combinaison de grandes études représentatives. Néanmoins, dans la mesure où il serait raisonnable de sattendre à ce que nos résultats négatifs combinés incluent des sous-groupes importants pour lesquels un contrôle strict de la glycémie pourrait avoir des effets bénéfiques, nous avons présenté les résultats obtenus en les stratifiant en fonction des variables les plus controversées, à savoir la cible glycémique visée dans le groupe ayant bénéficié d'un contrôle strict de la glycémie et le type USI.
Notre méta-analyse indique que les essais ultérieurs nont pas corroboré les résultats impressionnants que promettait l'essai initial de van den Berghe et al.1 en cas de contrôle strict de la glycémie. Les tests d'hétérogénéité ont identifié cet essai comme comprenant des résultats divergents par rapport aux essais comparatifs randomisés réalisés par la suite qui étudiaient les critères dévaluation de la septicémie et du nouveau besoin de dialyse. Au moins trois raisons peuvent expliquer les différences observées entre les résultats de cet essai et ceux des études ultérieures : un biais, le hasard et des pratiques cliniques atypiques.
Même si le fait qu'il s'agissait d'un essai ouvert pourrait être source de biais, aucun des autres essais na été réalisé en aveugle, et nous ne pensons pas que cela puisse expliquer les divergences entre les résultats des études. Lessai initial de van den Berghe et al.,1 a fait état dun taux de mortalité inhabituellement élevé dans le groupe ayant reçu les soins habituels, en se fondant sur le degré de gravité des pathologies, un résultat pouvant être dû au hasard. Par ailleurs, plusieurs aspects de cet essai ont fait lobjet de critiques51, 53 du fait de lutilisation de pratiques cliniques atypiques. En particulier, lutilisation précoce dune perfusion de glucose et de la nutrition parentérale, susceptibles d'avoir entraîné artificiellement une hyperglycémie, pourrait avoir contribué aux résultats divergents observés dans cet essai.
La population chirurgicale, et peut-être même plus particulièrement les patients de chirurgie cardiaque, qui formaient le noyau des participants à l'essai initial de van den Berghe et al.1, pourraient constituer le groupe pour lequel un contrôle strict de la glycémie pourrait s'avérer le plus bénéfique. Cependant, notre méta-analyse a montré que les essais comparatifs randomisés ultérieurs portant sur cette intervention chez des patients chirurgicaux n'ont pas confirmé de réduction significative de la mortalité, une observation confortée par une analyse de sous-groupes axée sur les patients chirurgicaux (n = 6 431) dans le cadre dune étude de cohorte récente réalisée à grande échelle.18 En outre, les essais comparatifs randomisés ultérieurs portant sur un contrôle strict de la glycémie pendant54 ou après (données non publiées de Chan et al.) une intervention de chirurgie cardiaque nont pas non plus confirmé de réduction de la mortalité associée à un contrôle strict de la glycémie.
Des problèmes pratiques inhérents à la mise en œuvre dun contrôle strict de la glycémie ont été relevés dans et en dehors du cadre de essais cliniques. Il peut être difficile datteindre la cible glycémique visée en pratique ; même dans les conditions d'étroite supervision d'un essai clinique, sur les 29 études incluses dans notre méta-analyse, quatre études publiées et deux études non publiées (21 %) ne sont pas parvenues à atteindre une glycémie moyenne comprise dans une fourchette de 5 mg/dL autour de la cible glycémique spécifiée pour le groupe bénéficiant d'un contrôle strict de la glycémie17, 24, 25, 41 (et données non publiées de Chan et al. et Azevedo et al.). Dans la pratique, le personnel infirmier sest avéré particulièrement réticent à respecter scrupuleusement le contrôle strict de la glycémie, en raison de l'augmentation de la charge de travail résultant de la nécessité d'un contrôle glycémique fréquent et des variations de la vitesse de perfusion, dune part, et de préoccupations concernant le risque dhypoglycémie, dautre part.53, 55, 56 Ces préoccupations concernant l'hypoglycémie semblent justifiées, comme en témoigne l'augmentation significative du risque d'hypoglycémie dans notre méta-analyse. On ne sait pas si ces événements dhypoglycémie sont un facteur causal dans le décès des patients ou s'ils ne sont qu'un marqueur de la gravité de la pathologie.
Dans lensemble, nous estimons que les 29 essais inclus dans notre méta-analyse nous permettent de formuler des conclusions concernant les effets bénéfiques et les risques dun contrôle strict de la glycémie dans le vaste groupe des adultes en état critique. Nous avons établi quun contrôle strict de la glycémie nétait pas associé à une réduction significative de la mortalité hospitalière ni du nouveau besoin de dialyse, mais était associé à un risque nettement augmenté d'hypoglycémie. Bien que nous ayons observé une association statistiquement significative entre le contrôle strict de la glycémie et une réduction du taux de septicémie, cette réduction pourrait concerner les épisodes de septicémie les moins sévères, puisqu'elle n'a pas été associée à une réduction de la mortalité hospitalière. En outre, en cas de stratification en fonction du type dUSI, l'association significative à une réduction du risque de septicémie était limitée aux essais menés dans les unités de soins intensifs chirurgicaux. Étant donné les résultats généraux de cette méta-analyse, une réévaluation des directives recommandant un contrôle strict de la glycémie chez tous les patients en état critique semble justifiée, jusqu'à ce que les résultats d'essais cliniques plus définitifs et menés à plus grande échelle soient disponibles.
Informations sur les auteurs
Correspondance : Renda Soylemez Wiener, Docteur en médecine, Titulaire dun Master en santé publique, VA Outcomes Group, 111 B, Department of Veterans Affairs Medical Center, White River Junction, VT 05009 (États-Unis) (renda.s.wiener{at}dartmouth.edu).
Contributions des auteurs : Le Dr Soylemez Wiener avait accès à toutes les données de l'étude et est responsable de l'intégrité des données et de l'exhaustivité de leur analyse.
Méthodologie et conception de létude : Soylemez Wiener, D. Wiener, Larson.
Recueil des données : Soylemez Wiener, D. Wiener.
Analyse et interprétation des données : Soylemez Wiener, D. Wiener, Larson.
Ébauche du manuscrit : Soylemez Wiener, D. Wiener, Larson.
Révision critique du contenu intellectuel principal du manuscrit : Soylemez Wiener, D. Wiener, Larson.
Analyse statistique : Soylemez Wiener, Larson.
Supervision de létude : Larson.
Déclarations de conflits dintérêts : aucun na été signalé.
Financement/soutien : cette étude a reçu le soutien de la Dartmouth Medical School (Dr Soylemez Wiener) ; du Dartmouth Hitchcock Medical Center (Dr D. Wiener) et du Department of Veterans Affairs [département américain des anciens combattants] (Dr Larson).
Rôle du promoteur : les promoteurs nont joué aucun rôle ni dans la conception et le déroulement de l'étude, ni dans le recueil, la gestion, lanalyse et linterprétation des données ou dans la préparation, la révision ou l'approbation du manuscrit.
Décharge : les opinions exprimées dans cette publication ne reflètent pas nécessairement celles du département américain des anciens combattants ou du gouvernement américain.
Autres contributions : nous remercions Samuel R. G. Finlayson, Docteur en médecine, titulaire dun Master en santé publique, et Paul S. Wright, titulaire dun Master en santé publique, pour leur aide bénévole à la traduction des articles. Nous remercions également H. Gilbert Welch, docteur en médecine, titulaire dun Master en santé publique, pour sa critique non rémunérée de cet article. Le Dr Finlayson, M. Wright et le Dr Welsh sont tous affiliés au Darthmouth Institute for Health Policy and Clinical Practice, Dartmouth Medical School. Enfin, nous aimerions remercier nos collègues du VA Outcomes Group pour leur contribution bénévole, leurs précieux commentaires nous ayant permis d'approfondir notre réflexion et d'optimiser la présentation de nos résultats.
Affiliations des auteurs : VA Outcomes Group, Department of Veterans Affairs Medical Center, White River Junction, Vermont (États-Unis), et Dartmouth Institute for Health Policy and Clinical Practice, Dartmouth Medical School, Hanover, New Hampshire (États-Unis) (Dr Soylemez Wiener et Larson), et Dartmouth-Hitchcock Medical Center, Lebanon, New Hampshire (États-Unis) (Dr Wiener).
Rédacteur de la section Prise en charge du patient en état critique : Derek C. Angus, Docteur en médecine, Titulaire dun Master en santé publique, conseiller de rédaction, JAMA (angusdc{at}upmc.edu).
Pour lire léditorial, voir page 963.
FMC disponible en ligne à www.jamaarchivescme.comet questions p. 972.
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Cette semaine dans le JAMA-Français
JAMA. 2008;300:875.
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Contrôle strict de la glycémie chez le patient adulte en état critique
Simon Finfer et Anthony Delaney
JAMA. 2008;300:963-965.
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