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Myocardiopathie hypertrophique, mort subite et défibrillateurs cardiaques implantablesJusqu'où abaisser la barre?
Rick A. Nishimura, MD;
Steve R. Ommen, MD
LLa myocardiopathie hypertrophique (MCH) est une pathologie
relativement fréquente (touchant environ 1 sur 500 adultes dans la
population
générale)1,2
dont les caractéristiques cliniques sont bien connues: hypertrophie
massive du myocarde et obstruction de l'éjection systolique
ventriculaire gauche. Autrefois considérée comme une maladie
à l'étiologie inconnue, on estime à présent que la
MCH est un désordre génétique souvent causé par la
mutation d'au moins 1 à 12 des gènes qui encodent les
protéines du sarcomère
cardiaque.3
Les connaissances sur la MCH ont, depuis quelques dizaines d'années,
beaucoup progressé par suite d'une meilleure sensibilisation due
à une attention soutenue et à l'adoption
généralisée des méthodes d'imagerie non invasives.
On a d'abord pensé qu'il s'agissait d'une maladie mortelle affectant
les jeunes, car les patients présentaient des symptômes
très restrictifs (dyspnée, angine et syncope) et même des
cas de mort cardiaque subite.
4 En fait,
chez les patients atteints de la MCH, on peut observer un vaste spectre de
manifestations cardiaques. Allant de l'hypertrophie légère
à l'hypertrophie sévère et massive, le degré
d'hypertrophie est très variable et les délais d'apparition
également. L'obstruction de l'éjection systolique ventriculaire
gauche n'est qu'un élément du processus physiopathologique
complexe qui affecte ces patients. D'autres anormalités jouent un
rôle important: dysfonctionnement diastolique, ischémie du
myocarde, régurgitation mitrale et arythmies cardiaques. Cette maladie
a reçu dans le passé un pronostic extrêmement
péjoratif, mais la majorité des patients atteints de la MCH sont
asymptomatiques leur vie durant et la survie des échantillons
représentatifs de ces patients est comparable à celle d'une
population de contrôle stratifiée selon les critères du
sexe et des tranches
d'âge.5
Bien que, pour la majorité des patients, la maladie suive un cours
relativement bénin, la MCH reste la cause la plus commune de mort
subite chez les jeunes (y compris les athlètes entraînés).
Elle peut provoquer une mort subite chez les patients de tous
âges.6
Les cas de mort subite résultent principalement des arythmies
ventriculaires et ces dernières sont probablement associées
à la présence d'un substrat anormal au sein d'une structure
cellulaire désorganisée ainsi qu'à une multitude
d'événements incitateurs possibles, tels que l'ischémie,
un milieu végétatif anormal, des arythmies atriales ou une
bradycardie. Survenant rarement, ces événements
dévastateurs placent les médecins traitants devant un dilemme
considérable.
Les défibrillateurs cardiaques implantables (DCI)
représentent une thérapie efficace pour la prévention de
la mort subite chez des patients atteints de la MCH,
7 mais il
n'existe pas de méthode permettant d'identifier de manière
rigoureuse les patients à haut risque de mort subite. Des études
rétrospectives ont fourni des données qui recensent les facteurs
de risque associés à une incidence accrue de la mort subite.
8,9
Mais ces facteurs de risque ne sont que des substituts cliniques
utilisés pour tenter d'identifier un substrat anormal sous-jacent ou
des déclencheurs d'arythmie. La valeur prédictive positive de
n'importe lequel de ces facteurs de risque n'atteint pas de 20 à 25 %.
2,8,9
De plus, bien que la valeur prédictive négative de ces facteurs
de risque soit de presque 90 %, certains (environ 3 à 5 %) de ces
patients meurent subitement sans facteurs de risque identifiables.
8,9
Dans ce numéro du JAMA, le Dr Maron et ses
collègues10
présentent d'importantes données d'actualité sur la
relation entre le profil clinique à risque et l'implantation d'un DCI
ainsi que sur l'efficacité de cette procédure chez des patients
atteints de la MCH. Les données présentées proviennent
d'un registre multicentrique d'implantations de DCI chez 506 patients qui ont
été suivis pendant environ 4 ans en moyenne. Ces patients
relativement jeunes (moyenne d'âge: 42 ans) ont subi une implantation
pour des raisons de prévention secondaire ou primaire. Chez 20 %
d'entre eux, les implantations de DCI ont, de manière satisfaisante,
mis fin à des arythmies ventriculaires graves. Les taux d'implantations
ont été, pour la prévention secondaire, de 11 % par an et
de 4 % par an pour la prévention primaire.
La probabilité d'implantation appropriée (c.-à-d. de
décharges appropriées de l'appareil) a été la
même chez les patients présentant un seul facteur de risque que
chez les patients présentant deux facteurs de risque ou plus. Les
facteurs de risque mesurés comprenaient
:1 des
antécédents familiaux de mort subite due à une
myocardiopathie
hypertrophique,2
une hypertrophie massive du ventricule gauche,
3 une
tachycardie ventriculaire non soutenue lors de l'enregistrement Holter,
et4 une
syncope antérieure inexpliquée. Les auteurs concluent que, pour
les cas d'arythmies ventriculaires mettant la vie en danger, les implantations
de DCI ont été fréquentes et hautement efficaces. Ils
recommandent qu'un seul indicateur de risque élevé de mort
subite est peut-être suffisant pour justifier le recours à une
implantation prophylactique de DCI chez des patients
sélectionnés atteints de la MCH.
Chez des patients de ce type, tout clinicien souhaiterait certainement
prévenir les effets dévastateurs d'un arrêt cardiaque
subit. Mais il faut examiner avec prudence la recommandation d'envisager une
implantation de DCI pour tous les patients atteints de la MCH
présentant un facteur de risque unique. Si on considère qu'on
estime à 500 000 le nombre de patients atteints de la MCH aux
Etats-Unis 1
et que presque 50 % de ces patients présentent au moins un facteur de
risque, 11
le nombre de candidats potentiels à une implantation de DCI n'est pas
négligeable. Avant de prendre la décision de recommander un DCI,
il faut, dans une discussion exhaustive avec le patient, aborder aussi bien
les avantages potentiels que les risques de la procédure, notamment les
risques de sérieuses complications. Dans l'étude menée
par le Dr Maron et ses collègues, 10 les complications reliées
au DCI comprenaient: des infections chez 19 patients (4 %), des
hémorragies/thromboses chez 8 patients (2 %), des fractures chez 34
patients (7 %) et une défaillance fatale de l'appareil chez un patient.
On a relevé un risque accru de régurgitation tricuspide
après implantation, une complication qui peut nécessiter chez
certains patients une opération à cœur ouvert.
12 De plus,
le traumatisme psychologique causé par des chocs
inappropriés—survenu chez 136 (27 %) des patients de la
présente étude—a, chez un jeune adolescent asymptomatique,
des conséquences à long terme qu'une étude de registre ne
peut pas évaluer.
Comme le signalent le Dr Maron et ses collègues, les patients de
leur registre ont été évalués par des institutions
disposant d'un haut degré d'expérience et d'expertise dans le
traitement des patients atteints de la MCH. De ce fait, la décision de
procéder à une implantation de DCI ne reposait pas
nécessairement et seulement sur la présence de n'importe quel
facteur de risque unique ni sur le nombre des facteurs de risque, mais, plus
probablement, sur l'expérience d'un clinicien sachant prendre en compte
toutes les informations pertinentes disponibles concernant un patient
individuel. Par exemple, sur la base d'études rétrospectives,
13 on a
impliqué l'hypertrophie massive (un bourrelet septal de plus de 3 cm)
parmi les facteurs de risque de mort subite chez les patients atteints de la
MCH. D'autres études ont pourtant montré qu'une augmentation de
l'épaisseur du bourrelet ne constitue pas nécessairement un
facteur de risque significatif s'il n'est pas accompagné d'autres
facteurs de risque clinique.
11 Le Dr
Sorajja et ses
collègues14
ont découvert que de jeunes patients (moins de 30 ans) atteints d'une
hypertrophie massive présentent une incidence élevée de
mort subite, mais que des patients d'âge mûr ou plus
âgés ne présentent pas cette incidence bien qu'atteints
eux aussi d'une hypertrophie massive. De même, la syncope peut
résulter de plusieurs étiologies, surtout chez des patients plus
âgés, si bien que plusieurs épisodes de syncopes chez une
personne jeune peuvent représenter un signal d'alarme plus
inquiétant qu'un seul événement syncopal chez une
personne âgée. La mort subite d'un jeune frère
diagnostiqué de la MCH représente un antécédent
familial important et devrait inquiéter plus qu'un parent
âgé mort soudainement de causes inconnues.
L'étude du Dr Maron et collègues n'a pas
intégré le risque additionnel d'autres facteurs connus
associés avec un risque accru de mort subite. Parmi ces facteurs,
figurent une pression artérielle anormale après un test d'effort
sur tapis roulant, une maladie concomitante d'une artère coronarienne
15 et une
obstruction grave de l'éjection systolique ventriculaire gauche.
16 Plusieurs
procédures nouvelles, notamment l'imagerie cardiaque par
résonnance magnétique, peuvent aider à mieux identifier
les patients à risque de mort subite.
17
Après injection différée de gadolinium, les zones de
fibrose myocardique—un substrat de l'arythmie
ventriculaire—apparaissent mieux. Il s'agit là d'une
procédure quelque peu prometteuse justifiant des recherches
approfondies.
Le rapport présenté par le Dr Maron et ses collègues
10 fournit
quelques indications sur l'influence possible d'autres interventions visant
à prévenir la mort subite chez des patients atteints de la MCH.
Chez 25 % des patients recevant une thérapie par amiodarone, on a
observé des décharges appropriées de DCI, ce qui indique
que même l'agent anti-arythmique le plus puissant ne peut pas
prévenir la mort subite. Par ailleurs, on a observé, chez des
patients ayant subi une ablation septale avec alcool, des décharges
appropriées de DCI 4 fois plus fréquentes que chez des patients
ayant subi une myectomie chirurgicale. Cette observation met en
évidence l'importance des effets potentiellement destructeurs des
nouveaux traitements. De plus, un effort vigoureux est associé à
la mort subite, même chez les patients à risque faible de
MCH.
La mort subite d'un patient jeune et apparemment en bonne santé est
un événement tragique et tous les efforts doivent être
entrepris pour la prévenir. Chez tous les patients atteints de la MCH,
le risque de mort cardiaque subite devrait être évalué
ainsi que le recommande le document des experts cliniques publié
conjointement par l'American College of Cardiology et la Société
européenne de cardiologie. 9 Incontestablement, une implantation de DCI
doit être envisagée pour des patients ayant subi un arrêt
cardiaque ou une tachycardie ventriculaire soutenue et documentée. Des
patients présentant deux des facteurs de risque ou plus sont
probablement suffisamment exposés que pour justifier une implantation
de DCI. Cependant, la décision d'implanter un DCI chez n'importe quel
patient, en particulier chez celui qui ne présente qu'un seul facteur
de risque, cette décision doit être subordonnée à
une discussion exhaustive et honnête de la précision des
instruments actuels d'évaluation des risques ainsi que des risques et
avantages offerts par la thérapie de DCI et des points de vue
personnels du patient sur les procédures, les dispositifs et la mort.
Cette approche permettra au patient et au médecin d'arriver ensemble
à une décision personnalisée concernant l'implantation
d'un DCI.
Informations sur les auteurs
| | Correspondance: Rick A. Nishimura, MD, Gonda 05-368, 200 First St SW,
Rochester, MN 55905
(rnishimura{at}mayo.edu).
Liens financiers: Aucun rapporté.
Affiliations des auteurs: Division of Cardiovascular Diseases and
Internal Medicine, Mayo Clinic College of Medicine, Rochester,
Minnesota.
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ARTICLES EN RAPPORT
JAMA. 2007;298:369.
Texte Complet
Emploi de défibrillateur-cardioverteur implantable et prévention des morts cardiaques subites dans la cardiomyopathie hypertrophique
Barry J. Maron, Paolo Spirito, Win-Kuang Shen, Tammy S. Haas, Francesco Formisano, Mark S. Link, Andrew E. Epstein, Adrian K. Almquist, James P. Daubert, Thorsten Lawrenz, Giuseppe Boriani, N. A. Mark Estes, III, Stefano Favale, Marco Piccininno, Stephen L. Winters, Massimo Santini, Sandro Betocchi, Fernando Arribas, Mark V. Sherrid, Gianfranco Buja, Christopher Semsarian, et Paolo Bruzzi
JAMA. 2007;298:405-412.
Résumé
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