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  Vol. 300 No. 9, 3 septembre 2008 TABLE OF CONTENTS
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L’ Odalisque


Figure 1
Eugène Delacroix, (1798-1863) L’Odalisque ou Femme au Harem, 1834, © Réunion des Musées Nationaux, Louvre, Paris

La vie d’Eugène Charles Delacroix est comparable à son talent et son génie : respectable et appliquée. Maître d’art de la modernité. Si, en 1970, Yves Saint-Laurent fut inspiré par l’Orient et le charme de ses couleurs qu’il osa mélanger dans le monde de la mode, c’est Eugene Delacroix qui fut le précurseur d’un judicieux et subtil jeu de peinture à huile qu’il observa au cours de ses voyages au Maroc. Il nous rapporte de cette période orientaliste la véritable vision d’une vie communautaire et d’un monde inconnu où les couleurs, de la nuance à la violence, sont omniprésentes. Cézanne dira même de ce grand peintre « Delacroix, c'est le romantisme, peut-être. Il reste la plus belle palette de France, et personne sous notre ciel, n'a eu plus que lui le calme et le pathétique à la fois, la vibration de la couleur. Nous peignons tous en lui. »

Ferdinand-Victor-Eugène Delacroix naît le 7 Floréal de l'an VII, soit en 1798, à Charenton-Saint-Maurice, tout près de Paris.

Chaque famille engloutit et protège ses mystères et ses secrets. Eugène est le fils d’un haut fonctionnaire de l'Etat, Charles Delacroix et d’une mère d’origine allemande, parente de J.F. Oeben, l’ébéniste de Louis XV et de Louis XVI. Or, au moment de sa naissance, il semble que son père, malade depuis 1797, n'était pas en mesure de procréer, et il semble que l'on puisse attribuer sa paternité au Prince de Talleyrand, l’homme du concordat et du congrès de Vienne, grand séducteur, qui protégea l'artiste au début de sa carrière. Talleyrand, Premier Ministre, fût envoyé à l’étranger juste l’année de la naissance de l’artiste.

Le 16 mars 1816, Eugène entre à l'École des Beaux-arts où il apprend l’art du dessin académique et les copies des maîtres au Louvre tels que Raphaël et Rubens. Il est initié à l'aquarelle par Charles Soulier et Richard Parkes Bonington. En, 1817, une année plus tard, il participe au concours d'esquisses peintes aux Beaux-arts. Le 25 avril 1817, Eugène Delacroix expose pour la première fois au Salon. Son tableau la Barque de Dante, connaît un important retentissement et est acheté par l'État. Le tableau est inspiré du VIIIe Chant de l'Enfer de Dante. Gros qualifie le tableau de « Rubens châtié » et cette œuvre sera qualifiée par Delécluze, défenseur du néo-classicisme, dans le Moniteur universel de « vraie tartouillade ».

Adolphe Thiers, alors jeune critique, écrit dans le Constitutionnel : « L'auteur a, outre cette imagination poétique, qui est commune au peintre comme à l'écrivain, cette imagination de l'art, qu'on pourrait en quelque sorte appeler imagination du dessin, et qui est tout autre que la précédente. Il jette ses figures, les groupes, les plie avec la hardiesse de Michel-Ange et la fécondité de Rubens. Je ne sais quel souvenirs des grands artistes me saisit à l'aspect de ce tableau ; j'y retrouve cette puissance sauvage, ardente mais naturelle, qui cède à son propre entraînement.[...] Je ne crois pas m'y tromper, M. de Lacroix (sic) a reçu le génie. »

Delacroix est alors avec Géricault l'un des maîtres de la nouvelle peinture.

C’est un exotisme flamboyant qui domine au Salon de 1834, où sont exposés les tableaux la Bataille de Nancy et Femmes d'Alger dans leurs appartements. De cette dernière composition tout empreinte de sensualité, Baudelaire écrira : « Ce petit poème d'intérieur, plein de repos et de silence, encombré de riches étoffes et de brimborions de toilette, exhale je ne sais quel parfum de mauvais lieu qui nous guide assez vite vers les limbes insondés de la tristesse. » Eugène contredira Baudelaire et se fâchera avec le poète, « Femme d’Alger » n’est pas une tristesse mais une révélation qui lui a été inspirée dans ce lieu où nul homme n’était autorisé. Il fut accueilli personnellement par le sultan turc Moulay Abd-el-Rahman qui l’autorisa à pénétrer dans le lieu. Il en ramène des livrets de croquis et d’aquarelles qu’il exploitera pendant plus de deux ans plus tard. Ingres, sur le même sujet avec son Odalisque ne rivalisera pas.

Au Salon est exposé Muley Abd er-Rahman, sultan du Maroc, sortant de son palais de Méquinez, entouré de sa garde et de ses principaux officiers. Selon Baudelaire : « Ce tableau est si harmonieux malgré la splendeur des tons, qu'il en est gris, gris comme la nature, gris comme l'atmosphère de l'été, quand le soleil étend un crépuscule de poussière tremblante sur chaque objet. »

L’art peut revendiquer les privilèges de la liberté et jouer de la provocation, ainsi, Victor Hugo, virtuose de la poésie, publie en 1929 les célèbres Odes et Ballades, Djinns, et rend déjà hommage aux Orientales. Conçues comme un jeu de l’imaginaire, à l’inventivité créatrice, mais plus encore elles manifestent la rupture avec le classique et ouvre le monde à une diversité nouvelle et à une fantaisie débridée qui s’affiche fièrement pour cette époque.

Delacroix a produit 800 tableaux et 6 000 dessins, ce qui fait de lui le plus productif du 19e siècle. Ses peintures sont caractérisées par des lumières vives, avec des contrastes forts, qui soulignent les sentiments humains emportés de ses personnages. Il est le chef de file du romantisme français, peignant le désespoir et l'aspect concret de la nature humaine.

Seulement, deux ans après son voyage au Maroc, en 1834, parait L’Odalisque ou Femme au Hammam qui entre dans la lignée des plus grands toiles de cette période qu’est l’orientalisme. Il inaugure admirablement cette période qui se prolongera jusqu’à la mort de l’artiste.

Au Salon annuel, le tableau d’Eugène brille d’une lumière nouvelle que tous ne savent pas voir. Ce n’est pas la nouveauté, l’anticonformisme du sujet traité ni l’audace de la représentation qui déchaînent les critiques. C’est la révélation authentique, d’une âme et de ses émotions. Toute la peinture de Delacroix se situe dans ce rapport difficile entre l’imaginaire et le réel, entre l’observation du vrai et l’impulsion visionnaire.

Ce tableau est moderne, il marque surtout la fin d’une époque. Si Eugène Charles Delacroix fut l’un des précurseurs de ce mouvement, il est incontestable qu’il révolutionne à la fois la peinture et la culture d’une époque. Les critiques accueillirent ce tableau comme une rupture culturelle et religieuse en rapport avec une vision non fantasmée du harem, au contraire bien réelle, trop réelle, des coutumes venues des pays d’Orient méconnus qui choquent, par contraste à la bourgeoisie parisienne.

Ce qu’il faut souligner dans ce tableau, c’est le désir assouvi de sérénité et de sensualité, intimement liés au beau et au spirituel qui trouvent leur apogée dans la féminité et l’élégance la plus accomplie. Beauté des femmes venues d’Orient qui est à la fois un régal pour l’intelligence et les yeux, finesse de l’expression et sensualité dans laquelle on se laisse bercer, douceur et havre de paix et d’évasion. Tout ici est représenté à merveille.

Femmes d’Alger avaient incité à la rêverie, nous sommes ici sous le charme de la beauté de cette Odalisque venue d’Orient. Les secrets de la séduction et de la vitalité de ces femmes, transmis de génération en génération au cours des siècles, sont désormais dévoilés. « Être belle », « plaire », sont des notions synonymes de « devoir ». Mais nulle coercition dans ces obligations, somme toute plaisantes : la règle est élevée au rang de savoir-faire et bien-être. « La beauté, plus qu’ailleurs est ici promesse de bonheur », nous révèle le grand peintre.

Rompant avec la tradition du classique, après ce voyage au Maroc il s'impose comme le moteur du mouvement Orientaliste, préférant désormais l’exploitation de ces sources orientales aux sujets tirés de la mythologie et de l’érudition qui ornent tous les palais et monuments de France.

De 1840 a 1844 et souvent malgré sa mauvaise santé, Delacroix mène de front quatre chantiers : la Chambre des députés, la Chambre des pairs, l'église Saint-Denis du Saint-Sacrement et l'hôtel Lambert, Palais Bourbon. Il achève la Pietà de Saint-Denis du Saint-Sacrement.

Très courtisé, affichant ses amours avec Georges Sand, Eugène, en 1833, avait rencontré la véritable femme qui sera à ses cotes jusqu’à la fin de ses jours, Jenny Le Guillou. Elle sera sa gouvernante, fidèle et dévouée, à son chevet lorsqu’il mourut en 1863, dans son appartement de la Place Fürstenberg à Paris, que l’on peut visiter aujourd’hui, lieu de quiétude et de paix qui règnent encore dans ce lieu mythique.

Emma Guerlain, MA







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