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Alexander Roslin (1718-1793), La Dame au voile, 1768, suédois, Musée National de Stockholm
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Un Suédois à Paris, ou lhistoire dun portraitiste de l'aristocratie européenne du milieu du 18ème siècle. Le milieu du 18ème en Europe, cest un symbole. Jean Sébastien Bach vient de séteindre et passe le flambeau à Mozart et Salieri, le baroque laisse la place au classique. Un nouveau style naît, sous limpulsion de Louis « le bien-aimé », fait de délicatesse et de finesse. Ce sont ces femmes poudrées qui mènent doucement la cour de Versailles vers un destin qui lui sera funeste. Le siècle séveille pourtant aux lumières.
La France est en crise politique, le clergé soppose au roi, les états en font de même, quant au peuple qui vit dans la misère, il manifeste périodiquement son mécontentement par des manifestations violentes.
Mais, paradoxalement, plus la vie est dure, plus le style est raffiné. Boucher et Fragonard imposent un style fait délégance et de libertinage. Au siècle des lumières, Voltaire, Rousseau, écrivent, publient et correspondent. Si lon ne discute pas encore du sexe des anges, les étoiles et les cieux attirent de plus en plus dastronomes, la voie lactée est décrite.
Bref, le siècle bouge, vit et sagite.
En Suède, où la vie est encore plus rude quen France, naît le 15 juillet 1718 à Malmö, Alexandre Roslin, fils dun médecin militaire, Hans Roslin, et de Katarina Wertmüller.
Encore un doué, très doué, qui excelle dans la miniature, apprend le dessin et la peinture à la vitesse de la lumière, et se voit déjà en architecte naval.
Mais, à 16 ans, il entre en apprentissage à Stockholm chez le peintre de cour, Georg Engelhard Schröder, chez lequel il restera jusqu'en 1745. Après Schröder et comme de nombreux peintres du nord européen, la voie normale est lAllemagne.
Il descend à Bayreuth, où ses talents de portraitiste font merveille auprès de laristocratie. Après lAllemagne, le voyage obligé pour un peintre est lItalie, son ciel bleu, lAntiquité, la beauté de ses paysages et de ses villes. Il y découvre les modèles de la Renaissance et du 17ème siècle. Sa formation est finie, son talent est intact.
Cest à Paris quil vient lexercer et cela, pour le restant de sa vie.
En 1752, Roslin sinstalle donc à Paris et devient le protégé de François Boucher et du comte de Caylus : « Le protecteur des arts et le fléau des artistes » : comme aimait à le décrire Grimm. Bien sévère envers ce grand collectionneur.
Son autre protecteur sera François Boucher qui, en 1752, provoque un petit scandale en peignant « Nu étendu sur un sofa » qui représentait Mlle OMurphy. En pleine crise janséniste, laudace érotique de ce tableau choque en effet, mais la cour est pleine de turpitudes. On oublie vite et dautant plus vite que le pays est instable, les lumières sont passées, les esprits se sont ouverts et le roi a de plus en plus de mal à tenir son peuple et ses parlements. Mme de Pompadour dirige et régente.
A Paris, son style plaît, il est vite connu. Ses portraits aux tons clairs, qui rappellent fortement ceux de Jean-Marc Nattier, sont dans le ton du siècle. Sa peinture saffirme.
Roslin est devenu maître dans lart de peindre les étoffes et les chairs, au point où Diderot lappelait : « le bon brodeur ».
Mais, quelles que soient les critiques, Roslin est dans lesprit du siècle, tout au moins de celui des aristocrates. Cest ce qui compte à cette époque.
Il est bientôt reçu à lAcadémie Royale de peinture et de sculpture en 1753.
Sa clientèle est devenue européenne. On lui demande des portraits dans son pays natal quil retrouve entre 1774 et 1778, puis il part à Saint-Pétersbourg, appelé par Catherine II, à Varsovie et enfin à Vienne. Roslin est devenu le maître du portrait.
Dans le tableau de couverture, la Dame au voile, Roslin a représenté sa femme, Marie-Suzanne Giroust quil avait épousée en 1759. Le rendu des étoffes est remarquable, totalement maîtrisé. Les influences des peintres de lépoque sont évidentes et le style reste « rococo », mais qui peut dire que Roslin nest pas totalement en phase avec son temps, que sa technique présente quelque défaut ? Personne.
En dépit de la critique de Diderot, Roslin peint aussi lâme de ses modèles.
Dans le tableau de la Dame au voile, peint en 1768, alors quil a 50 ans, sa femme regarde légèrement au dessus de lui, le teint est clair, les cheveux ou la perruque poudrée à la mode de lépoque, la tête couverte dun voile de soie noire tenant à la main un éventail qui donne à cette pose un air espagnol bien que la facture soit typiquement « rococo ». Elle a 34 ans.
Sa femme, Marie Suzanne Giroust, passera elle-même à la postérité en devenant en 1770, la première femme peintre à réaliser son autoportrait. Orpheline de père à 7 ans et de sa mère à 11 ans, elle avait utilisé le pécule que lui avait laissé ses parents pour entrer dans latelier de Quentin de La Tour puis de Jean Marie Vien, lié à Alexandre Roslin dont elle fera ainsi la connaissance avant de lépouser, surmontant l'opposition de son tuteur qui ne voulait ni d'un étranger, ni dun protestant ni dun pauvre dans la famille. Avec Alexandre Roslin, ils auront six enfants. Elle sera admise en 1770 à lAcadémie Royale. Extrêmement douée elle aussi, elle naura quune reconnaissance tardive en raison de ses grossesses successives, mais elle était une redoutable portraitiste qui peignait pour léternel Diderot qui, décidemment, ne devait pas aimer Roslin, de manière « fort supérieure à son mari ». Elle mourra prématurément dun cancer du sein en 1772 à lâge de 38 ans. Ils sont restés mariés 13 ans. Roslin en gardera une grande mélancolie qui se traduira dans ses tableaux plus tardifs, ceux de sa maturité.
Il poursuit sa carrière avec bonheur, il portraiture le Dauphin, François Boucher, Gustave III et ses frères, Catherine II de Russie, ou encore la Comtesse dEgmont Pignatelli en costume espagnol, dans une débauche de tissus, de drapés et de voiles qui démontre la technique somptueuse de sa peinture. Il peint aussi les filles de Louis XV, Madame Adélaïde et sa sœur Madame Victoire.
Roslin qui a parfaitement su faire jouer la lumière sur les étoffes laisse le témoignage dune société qui seffrite et qui disparaîtra en 1789. Roslin ne lui survivra pas. Il décède à Paris en 1793 au moment de la terreur. Nombreux seront ses clients qui ny survivront pas non plus.