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  Vol. 299 No. 14, 9 avril 2008 TABLE OF CONTENTS
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La Dame au voile


Figure 1
Alexander Roslin (1718-1793), La Dame au voile, 1768, suédois, Musée National de Stockholm

Un Suédois à Paris, ou l’histoire d’un portraitiste de l'aristocratie européenne du milieu du 18ème siècle. Le milieu du 18ème en Europe, c’est un symbole. Jean Sébastien Bach vient de s’éteindre et passe le flambeau à Mozart et Salieri, le baroque laisse la place au classique. Un nouveau style naît, sous l’impulsion de Louis « le bien-aimé », fait de délicatesse et de finesse. Ce sont ces femmes poudrées qui mènent doucement la cour de Versailles vers un destin qui lui sera funeste. Le siècle s’éveille pourtant aux lumières.

La France est en crise politique, le clergé s’oppose au roi, les états en font de même, quant au peuple qui vit dans la misère, il manifeste périodiquement son mécontentement par des manifestations violentes.

Mais, paradoxalement, plus la vie est dure, plus le style est raffiné. Boucher et Fragonard imposent un style fait d’élégance et de libertinage. Au siècle des lumières, Voltaire, Rousseau, écrivent, publient et correspondent. Si l’on ne discute pas encore du sexe des anges, les étoiles et les cieux attirent de plus en plus d’astronomes, la voie lactée est décrite.

Bref, le siècle bouge, vit et s’agite.

En Suède, où la vie est encore plus rude qu’en France, naît le 15 juillet 1718 à Malmö, Alexandre Roslin, fils d’un médecin militaire, Hans Roslin, et de Katarina Wertmüller.

Encore un doué, très doué, qui excelle dans la miniature, apprend le dessin et la peinture à la vitesse de la lumière, et se voit déjà en architecte naval.

Mais, à 16 ans, il entre en apprentissage à Stockholm chez le peintre de cour, Georg Engelhard Schröder, chez lequel il restera jusqu'en 1745. Après Schröder et comme de nombreux peintres du nord européen, la voie normale est l’Allemagne.

Il descend à Bayreuth, où ses talents de portraitiste font merveille auprès de l’aristocratie. Après l’Allemagne, le voyage obligé pour un peintre est l’Italie, son ciel bleu, l’Antiquité, la beauté de ses paysages et de ses villes. Il y découvre les modèles de la Renaissance et du 17ème siècle. Sa formation est finie, son talent est intact.

C’est à Paris qu’il vient l’exercer et cela, pour le restant de sa vie.

En 1752, Roslin s’installe donc à Paris et devient le protégé de François Boucher et du comte de Caylus : « Le protecteur des arts et le fléau des artistes » : comme aimait à le décrire Grimm. Bien sévère envers ce grand collectionneur.

Son autre protecteur sera François Boucher qui, en 1752, provoque un petit scandale en peignant « Nu étendu sur un sofa » qui représentait Mlle O’Murphy. En pleine crise janséniste, l’audace érotique de ce tableau choque en effet, mais la cour est pleine de turpitudes. On oublie vite et d’autant plus vite que le pays est instable, les lumières sont passées, les esprits se sont ouverts et le roi a de plus en plus de mal à tenir son peuple et ses parlements. Mme de Pompadour dirige et régente.

A Paris, son style plaît, il est vite connu. Ses portraits aux tons clairs, qui rappellent fortement ceux de Jean-Marc Nattier, sont dans le ton du siècle. Sa peinture s’affirme.

Roslin est devenu maître dans l’art de peindre les étoffes et les chairs, au point où Diderot l’appelait : « le bon brodeur ».

Mais, quelles que soient les critiques, Roslin est dans l’esprit du siècle, tout au moins de celui des aristocrates. C’est ce qui compte à cette époque.

Il est bientôt reçu à l’Académie Royale de peinture et de sculpture en 1753.

Sa clientèle est devenue européenne. On lui demande des portraits dans son pays natal qu’il retrouve entre 1774 et 1778, puis il part à Saint-Pétersbourg, appelé par Catherine II, à Varsovie et enfin à Vienne. Roslin est devenu le maître du portrait.

Dans le tableau de couverture, la Dame au voile, Roslin a représenté sa femme, Marie-Suzanne Giroust qu’il avait épousée en 1759. Le rendu des étoffes est remarquable, totalement maîtrisé. Les influences des peintres de l’époque sont évidentes et le style reste « rococo », mais qui peut dire que Roslin n’est pas totalement en phase avec son temps, que sa technique présente quelque défaut ? Personne.

En dépit de la critique de Diderot, Roslin peint aussi l’âme de ses modèles.

Dans le tableau de la Dame au voile, peint en 1768, alors qu’il a 50 ans, sa femme regarde légèrement au dessus de lui, le teint est clair, les cheveux ou la perruque poudrée à la mode de l’époque, la tête couverte d’un voile de soie noire tenant à la main un éventail qui donne à cette pose un air espagnol bien que la facture soit typiquement « rococo ». Elle a 34 ans.

Sa femme, Marie Suzanne Giroust, passera elle-même à la postérité en devenant en 1770, la première femme peintre à réaliser son autoportrait. Orpheline de père à 7 ans et de sa mère à 11 ans, elle avait utilisé le pécule que lui avait laissé ses parents pour entrer dans l’atelier de Quentin de La Tour puis de Jean Marie Vien, lié à Alexandre Roslin dont elle fera ainsi la connaissance avant de l’épouser, surmontant l'opposition de son tuteur qui ne voulait ni d'un étranger, ni d’un protestant ni d’un pauvre dans la famille. Avec Alexandre Roslin, ils auront six enfants. Elle sera admise en 1770 à l’Académie Royale. Extrêmement douée elle aussi, elle n’aura qu’une reconnaissance tardive en raison de ses grossesses successives, mais elle était une redoutable portraitiste qui peignait pour l’éternel Diderot qui, décidemment, ne devait pas aimer Roslin, de manière « fort supérieure à son mari ». Elle mourra prématurément d’un cancer du sein en 1772 à l’âge de 38 ans. Ils sont restés mariés 13 ans. Roslin en gardera une grande mélancolie qui se traduira dans ses tableaux plus tardifs, ceux de sa maturité.

Il poursuit sa carrière avec bonheur, il portraiture le Dauphin, François Boucher, Gustave III et ses frères, Catherine II de Russie, ou encore la Comtesse d’Egmont Pignatelli en costume espagnol, dans une débauche de tissus, de drapés et de voiles qui démontre la technique somptueuse de sa peinture. Il peint aussi les filles de Louis XV, Madame Adélaïde et sa sœur Madame Victoire.

Roslin qui a parfaitement su faire jouer la lumière sur les étoffes laisse le témoignage d’une société qui s’effrite et qui disparaîtra en 1789. Roslin ne lui survivra pas. Il décède à Paris en 1793 au moment de la terreur. Nombreux seront ses clients qui n’y survivront pas non plus.

Jean Gavaudan, MD







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