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Imagerie de l'embolie pulmonaireUne bonne chose en trop grande quantité?
Jeffrey Glassroth, MD
L'ÉTUDE D'ANDERSON ET
COLLABORATEURS1 dans
ce numéro du JAMA démontre de façon convaincante que
l'angio-scanner pulmonaire (CTPA) n'est pas inférieur à la
scintigraphie pulmonaire avec ventilation-perfusion
(/) pour
éliminer une embolie pulmonaire (EP). La confirmation de ce point est
réconfortant car le CTPA a montré une fourchette étendue
de sensibilités dans la détection de
l'EP,2 mais a
néanmoins été largement supplanté par la
scintigraphie /
pendant plusieurs années dans cette
indication.3
Cette étude est aussi importante pour un certain nombre d'autres
raisons. Premièrement, le schéma d'étude des
investigateurs et les algorithmes de prise en charge utilisent le test du
D-dimer,4 une
évaluation de la probabilité d'EP avant le
test,5 et une
échographie veineuse des extrémités inférieures
pour identifier une thrombose veineuse profonde. Essentiellement,
l'étude représentait une comparaison frontale entre la
scintigraphie /
et le CTPA menée d'une façon qui dupliquait des conditions
réelles de meilleures pratiques. Par ailleurs, comme il s'agissait
d'une étude randomisée multicentrique avec un grand nombre de
participants, ces résultats peuvent être
généralisés en toute confiance. De plus, un grand
pourcentage des participants de l'étude ayant un CTPA techniquement
adéquat (73%) a eu une imagerie à l'aide d'un CT-scan
multidétecteur. Ce fait est important car le scanner à
multi-barrettes supplante rapidement le CTPA à plaque unique, en partie
comme réponse technologique au fait que le CTPA à plaque unique
était relativement insensible aux caillots distaux et manquait les
petits caillots distaux (sous-segmentaires) de la vascularisation
pulmonaire6 En
effet, un des principaux arguments contre l'utilisation générale
de la génération précoce des CTPA dans la
détection de l'EP était la perception d'un manque de
sensibilité pour détecter ces
caillots.7
L'étude d'Anderson et collaborateurs 1 montre que ceci n'est plus le
problème, du moins au niveau de détection de la scintigraphie
/, longtemps la
première technique d'imagerie dans cette indication.
Comme il arrive souvent dans la recherche, cette nouvelle étude
soulève des questions supplémentaires et importantes. Parmi
celles-ci, est-ce que le CTPA, s'il n'est pas inférieur à la
scintigraphie /,
est supérieur ou au moins aussi bon que les modalités d'imagerie
de première intention chez les patients ayant ou suspects d'avoir une
EP? Considérons les implications du CTPA selon la littérature.
Du côté positif, en plus de la sensibilité, le CTPA a un
bon accord entre les
interprètes,8
est fortement spécifiques pour
l'EP,6,9
et élimine une partie de la subjectivité et de la confusion
associées à l'interprétation de la scintigraphie
/ qui est
exprimée en probabilité d'EP. L'angio-scanner peut aussi mettre
en évidence d'autres explications des symptômes, même
lorsque l'embolie est
exclue10 et peut
procurer d'autres informations cliniques importantes sur l'impact cardiaque
des embols qui peuvent guider les décisions de prise en
charge.11
Les attributs moins désirables du CTPA sont la
nécessité d'un produit de contraste avec son risque
inhérent de réactions allergiques et de néphropathie de
contraste et l'exposition substantiellement plus importante aux radiations par
rapport à la scintigraphie
/.12
Un problème plus subtil est aussi posé par les données
rapportées par Anderson et al. En particulier, le CTPA peut conduire
à plus de diagnostics d'EP que la scintigraphie
/. Ceci est
suggéré par un nombre significativement plus important de
patients dans le groupe CTPA que dans le groupe scintigraphie
/ ayant un
diagnostic d'EP (un différence statistiquement significative) et par le
fait qu'il a été démontré que plusieurs patients
qui passaient un CTPA après une scintigraphie ayant exclu une EP,
avaient une EP. Pourquoi ceci pourrait-il être un problème?
Hypothétiquement, si le CTPA met en évidence des caillots qui
n'ont probablement pas de signification clinique et si les patients avec ces
caillots sont alors traités, ces patients sont alors inutilement
exposés aux risques d'une anti-coagulation et aux implications d'avoir
à porter un diagnostic d'EP. De plus, la société a
à prendre en charge les coûts considérables qui y sont
associés.
Est-il possible d'avoir une EP cliniquement significative? Les caillots qui
ont le plus de probabilité d'être insignifiants sont petits et ne
concernent qu'un pourcentage relativement faible de la vascularisation
pulmonaire distale. En effet, environ 7% des patients diagnostiqués
avec EP à l'aide d'un CTPA par Anderson et collaborateurs avaient des
atteintes isolées sous-segmentaires pulmonaires. Ceci est similaire
à la distribution rapportée dans d'autres
études.13,14
Toutefois, une analyse montre que les patients avec ce type de caillots
peuvent avoir des tableaux cliniques très différents que les
patients avec des caillots de plus grande taille; ils ont moins de
probabilité d'avoir une nouvelle dyspnée ou une dyspnée
s'aggravant, ou d'avoir une thrombose veineuse proximale
détectée par ultrasons et ont plus de probabilité
d'être assignés à une faible probabilité (avant
test) d'avoir une
EP.15 Ces patients
ont aussi plus de probabilité d'avoir un test du D-dimer
négatif.16
Ce profil pourrait bien avoir été à l'origine chez ces
patients de leur exclusion dans de nombreuses études sur l'EP et
peut-être d'avoir été insuffisamment pris en compte;
L'estimation de 7% d'embolie des vaisseaux sous-segmentaires peut être
une sous-estimation.
Quel risque représentent également les embolies pulmonaires
isolées sous-segmentaires ? Deux récentes revues ont
évalué le peu de données disponibles sur cette
questions.15,17
Elles suggèrent qu'un sous-groupe de patients avec une bonne
réserve pulmonaire, pas de thrombose veineuse profonde et une
prédisposition limitée à une thrombo-embolie
ultérieure peuvent ne pas requérir d'anti-coagulation pour une
EP isolée sous-segmentaire. Toutefois, ignorer une EP potentiellement
significative pose en soi d'autres problèmes, comme le montrent les 8
participants de l'étude d'Anderson et al, dont certains ont eu des
caillots non visualisés par le CTPA ou la scintigraphie
/ mais qui ont
par la suite développé une thrombo-embolie veineuse dont une
fatale.
Quelles sont les implications cliniques de ces observations, et comment
cette information doit-elle être prise en compte dans les
décisions de prise en charge ? Premièrement, les praticiens
doivent envisager la probabilité d'une EP de manière structure
en se basant sur les antécédents du tableau clinique du patient
et l'examen physique de la même façon Anderson et collaborateurs
l'ont fait, et baser ces évaluations, pour envisager, si
nécessaire un test du D-dimer. Ces 2 étapes peuvent diminuer
substantiellement la probabilité qu'une EP, du moins des larges
caillots, soit présenté18 et obvier le besoin d'autres
études. Là où persistent encore des questions, comme le
cas de certains patients dont la probabilité d'EP peut ne pas
être très élevée, mais dont les comorbidités
les placent à haut risque en cas de survenue d'une embolie, d'autres
analyses doivent être poursuivies. En cas de disponibilité, des
études échographiques des extrémités
inférieures pour chercher une thrombose veineuse profonde pour traiter
ces patients avec ce type de caillots, est la prochaine étape
raisonnable. Si une thrombose veineuse profonde est exclue ou si une
échographie n'est pas disponible, alors une imagerie du thorax est
indiquée. Actuellement, avec nos connaissance sur le CTPA,
l'utilisation de scanners multi-détecteurs, semble être un choix
excellent d'imagerie à moins qu'il n'y ait une contre-indication
à l'administration du produit de contraste ou, peut-être, une
grossesse, en raison de la forte dose de radiation avec le CTPA. Pour les
patients qui ne peuvent pas être étudiés par un CTPA
multi-barrettes, la scintigraphie
/ est toujours
disponible. Il est à noter, qu'il n'existe pas de preuves dans
l'étude d'Anderson et al 1 qu'un simple scan soit supérieur
à une scintigraphie
/.
Par ailleurs, une compréhension plus approfondie est
nécessaire pour les caillots distaux sous-segmentaires. Ainsi, quelle
est l'évolution naturelle de ces caillots? Des sous-groupes de patients
avec ce type de caillots partagent-ils facilement des caractéristiques
qui les placent à un risque plus haut ou plus faible
d'événements négatifs? Y-a-t-il encore un rôle pour
l'angiographie conventionnelle? Les réponses demanderont d'autres
études cliniques, impliquant probablement de multiples centres compte
tenu de la faible proportion de patients affectés. On ne sait pas si
l'on doit traiter ou pas ces patients et la décision sera prise au cas
par cas pour le moment.
Il y a 30 ans,
Robin19 disaient
que "l'empereur de l'embolie n'a pas de vêtements" car les
surestimations de la prévalence de l'EP et la sous-utilisation des
diagnostics disponibles conduisent à un excès de diagnostics.
Aujourd'hui, les diagnostics sont meilleurs et offrent probablement de
meilleures estimations de la prévalence, mais les praticiens peuvent ne
pas savoir que faire de ces informations. La technologie disponible et des
essais bien construits devraient toutefois, fournir des réponses aux
importantes questions sur les EP. Dans ce sens, peut-être, l'empereur
sera partiellement habillé.
Informations sur les auteurs
| | Correspondance: Jeffrey Glassroth, MD, Department of Medicine, Feinberg
School of Medicine, Northwestern University, 303 E Chicago Ave,Ward 4-009,
Chicago, IL 60611
(j-glassroth{at}northwestern.edu).
Les éditoriaux représentent l'opinion des auteurs et du JAMA
et pas celles de l'American Medical Association.
Liens financiers: Aucun déclaré.
Affiliation de l'auteur: Department of Medicine, Feinberg School
of Medicine, Northwestern University, Chicago, Illinois.
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ARTICLES EN RAPPORT
Cette semaine dans le JAMA
JAMA. 2007;298:2711.
Texte Complet
L'angio-scanner pulmonaire: une alternative à la scintigraphie de ventilation/perfusion chez des patients suspects d'embolie pulmonaire? Un essai randomisé contrôlé.
David R. Anderson, Susan R. Kahn, Marc A. Rodger, Michael J. Kovacs, Tim Morris, Andrew Hirsch, Eddy Lang, Ian Stiell, George Kovacs, Jon Dreyer, Carol Dennie, Yannick Cartier, David Barnes, Erica Burton, Susan Pleasance, Chris Skedgel, Keith O'Rouke, et Philip S. Wells
JAMA. 2007;298:2743-2754.
Résumé
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