Parmi les peintres majeurs du XXème siècle, on pense toujours
aux cubistes, expressionnistes et autres -istes qui ont fait le bonheur des
amateurs d'art éclairé et des galéristes, comme celui des
commissaires-priseurs sous les marteaux desquels défilaient des
millions de francs, de dollars ou
d'euros.
Si l'on ne peut, dans notre monde actuel, dénier une valeur
marchande à l'art (et tant mieux pour l'artiste, car le passé
nous a trop montré que certains artistes accédaient à la
renommée qu'à titre posthume), certains peintres ont dû la
leur, non seulement à la valeur de leur art, mais aussi à la
cause qu'ils défendaient.
Parmi ceux-ci, Candido Portinari, peintre brésilien, a eu la grande
joie de voir son oeuvre reconnue de son vivant (bien que celui-ci fût
trop bref) et d'avoir servi l'humanité.
Peintre brésilien dans le courant du néo-réalisme,
comme de nombreux peintres sudaméricains, Candido Portinari a
couché sur la toile les expériences de son univers
poétique, l'expression de ses rêveries, le retour vers l'enfance.
Il l'a exprimé avec des couleurs fondamentales. Tout en nuances,
Portinari empruntait ses thèmes au folklore brésilien, avec une
retenue des couleurs, où dominaient le brun-vert et le bleu-gris,
contrastant avec le débridé de son graphisme.
Mais au centre de son œuvre, il a placé avant tout
l'être humain et a tiré son inspiration de son engagement
politique. Auteur de 4500 à 6000 œuvres et de plus de 25 000
documents, il est surtout célèbre pour ses fresques Guerre et
paix, actuellement au siège de l'ONU à New York.
Cette peinture couvre deux étages et éclate aux yeux des
délégués qui montent par les escaliers ou empruntent
l'ascenseur pour se rendre dans la salle de l'Assemblée
Générale. Ils sont alors confrontés à « La
Guerre ». Lorsqu'ils sortent des salles de sessions restreintes, comme
le Conseil économique et social ou le Conseil de Tutelle, ils
découvrent une autre fresque murale, intitulée « La Paix
».
La reconnaissance d'un artiste de cette envergure, dès les
années 1940, est celle d'un engagement social, représentant le
peuple brésilien, ses luttes, ses souffrances, ses espoirs. C'est aussi
la reconnaissance des objectifs de l'humanité, objectifs combien de
fois ignorés, bafoués ou reniés, même de nos jours,
des plus petites nations aux plus puissantes. Initialement, l'œuvre lui
avait été commandée par le gouvernement brésilien
pour: « préserver les générations futures du
fléau de la guerre. »
On sait ce qu'il advint de cette pieuse demande.
Les deux peintures mesurent chacune 14 mètres sur 10 mètres
et sont peintes à l'huile sur du contreplaqué de marine.
En 1957, le gouvernement brésilien les offraient aux Nations-Unies
et le 6 mai 1974, l'Union Postale universelle rendait hommage au peintre en
émettant un timbre premier jour représentant un détail de
« La Paix ».
Enfin, le président brésilien remettait au Pape actuel,
Benoît XVI, trois livres contenant les œuvres complètes de
Candido Portinari.
Voltaire aurait sans nul doute apprécié ce prénom pour
un peintre au réalisme poétique si prononcé dont le
jugement sur son époque fut si critique et si vrai.