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  Vol. 300 No. 8, 27 août 2008 TABLE OF CONTENTS
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Contrôle strict de la glycémie chez le patient adulte en état critique

Simon Finfer, MBBS, FJFICM; Anthony Delaney, MBBS, FJFICM

JAMA. 2008;300(8):963-965

Dans le domaine des soins intensifs, aucune étude n’a probablement eu autant d’influence que celle de van den Berghe et al.1 portant sur l’insulinothérapie intensive chez les patients de soins intensifs chirurgicaux Publiée en 2001, cette étude indiquait que le fait de cibler la normoglycémie chez les patients ventilés hospitalisés dans une unité de soins intensifs (USI) chirurgicaux réduisait le risque de mortalité hospitalière d'un tiers. Bien que la taille de l’effet du traitement semblait improbable, le concept sous-jacent était apparemment valide, les effets bénéfiques d’un meilleur contrôle de la glycémie ayant été mis en évidence chez des patients présentant d’autres pathologies aiguës sévères.2 En conséquence, le contrôle strict de la glycémie chez l'adulte en état critique est à présent recommandé par de nombreuses organisations, y compris l'American Diabetes Association3 et l’Institute for Healthcare Improvement.4 Dans ce numéro de JAMA, Wiener et al.5 présentent le compte-rendu d'une méta-analyse d’études examinant le contrôle strict de la glycémie chez le patient adulte en état critique ; leurs conclusions, selon lesquelles un contrôle strict de la glycémie n'entraîne pas de réduction significative de la mortalité hospitalière, risque de surprendre plus d'un clinicien.

Différents éléments pourraient expliquer les résultats divergents de l’étude menée par van den Berghe et al.1 et de la méta-analyse de Wiener et al.5, à savoir : des lacunes dans la méta-analyse, des biais ou différences intrinsèques dans les études sur lesquelles reposent la méta-analyse ou le fait que les résultats de l’étude de van den Berghe et al.1 soient le fruit du hasard ou d’un autre facteur unique en interaction avec le contrôle strict de la glycémie.

Wiener et al.5 ont cherché à identifier les études dans lesquelles des adultes en état critique étaient répartis de façon randomisée en plusieurs groupes bénéficiant d'un contrôle strict ou standard de la glycémie, et dont les critères d’évaluation incluaient la mortalité hospitalière ou à court terme, le besoin nouveau de dialyse ou la septicémie. Ils ont identifié 29 études portant sur 8 432 patients et dans lesquelles 1 869 décès ont été répertoriés. Le risque relatif combiné de mortalité pour les patients ayant bénéficié d'un contrôle strict de la glycémie était de 0,93 [intervalle de confiance 95 : 0,85-1,03]. Par ailleurs, les résultats de l'analyse de sous-groupes portant sur les essais ayant une cible glycémique inférieure à 110 mg/dL et les sous-groupes déterminés en fonction du type d’USI (chirurgicaux, médicaux ou médico-chirurgicaux) n'ont mis en évidence aucune réduction significative de la mortalité.

Comme pour tout essai comparatif randomisé isolé, l'évaluation critique structurée du déroulement et des résultats d’une méta-analyse est une étape clé avant de décider d'accepter ses résultats et de modifier la pratique clinique.6 L’étude de Wiener et al.5 remplit les principaux critères de validité pour une méta-analyse ; elle traite d’une question clinique ciblée, utilise une stratégie de recherche appropriée, a peu de chances d'avoir manqué des études importantes et évalue la qualité des études au moyen d'un système de classification reconnu.7 La méta-analyse semble donc être de bonne qualité méthodologique et offre un tour d'horizon opportun des preuves en faveur et contre l'adoption d'un contrôle strict de la glycémie.

Les conclusions pouvant être tirées d’une méta-analyse dépendent de la qualité des essais sur lesquels elle repose. Wiener et al.5 ont utilisé l’échelle de Jadad7 pour évaluer la qualité des essais inclus. Elle examine différents aspects de la conception d’une étude (la randomisation, la répartition, l'utilisation de la technique en aveugle et le taux de perdus de vue) essentiels pour générer des résultats non biaisés, mais ne prend pas en considération d'autres caractéristiques qui revêtent une importance déterminante dans la réalisation d'essais portant sur le contrôle strict de la glycémie chez le patient en état critique.

Chez les patients en état critique, il est difficile de maintenir la glycémie dans une fourchette comprise entre 80 et 110 mg/dL (4,4 et 6,1 mmol/L) ; dans les études cliniques visant cette cible glycémique, entre 40 % et 80 % des lectures de la glycémie n’étaient pas comprises dans la fourchette ciblée.8-10 En conséquence, le fait que les investigateurs parviennent ou non à atteindre les cibles glycémiques devient un marqueur de qualité essentiel pour les études individuelles, et les effets bénéfiques potentiels répertoriés par van den Berghe et al.1 ne devraient être écartés que si un contrôle glycémique similaire est atteint dans d'autres études, sans réduction démontrable de la mortalité. Il est toutefois difficile de comparer les études faute d’une norme acceptée en termes de compte-rendu du contrôle de la glycémie.11 Les études menées par van den Berghe et al.1,12 répertorient uniquement la glycémie matinale, alors que d’autres investigateurs privilégient le relevé du pourcentage de temps correspondant à la durée au cours de laquelle la glycémie du patient est comprise dans la fourchette cible,10 ou la partie située en dessous de la courbe et au-dessus de la limite supérieure de la fourchette cible (l'index d'hyperglycémie).13

Une autre complication réside dans l’affirmation selon laquelle la glycémie absolue et le degré de variabilité de la glycémie sont importants du fait qu’ils sont tous deux liés à la mortalité.14 À ce jour, il n'a pas pu être clairement déterminé si la variabilité de la glycémie constitue un marqueur de la gravité de la pathologie qui n'est pas corrigé dans le cadre des analyses standard à variables multiples ou si le fait de stabiliser la glycémie à un niveau bas est nécessaire pour réduire la mortalité.15 Et, loin de simplifier les choses, même dans le cadre d'investigations cliniques, le test de glycémie effectué au chevet du patient en état critique peut s’avérer imprécis,16, 17 et on ne sait pas comment ces imprécisions affectent le contrôle strict de la glycémie, que ce soit dans le cadre d'essais cliniques ou de la pratique clinique.

Mais laissons à présent la question de la mesure et du relevé de la glycémie, et penchons-nous à présent sur une autre interrogation sans réponse : existe-t-il une interaction entre un contrôle strict de la glycémie et l’administration de glucose par voie intraveineuse et la nutrition parentérale ? Les patients des deux études menées par van den Berghe et al.1, 12 ont reçu des doses élevées de glucose par voie intraveineuse, atteignant en moyenne 160 g par jour dans le cadre d’un régime alimentaire prédéterminé.18 On est loin des pratiques généralement admises et de l’administration de glucose par voie parentérale estimée à 12,2 g par jour dans les USI australiennes et néo-zélandaises.19 Une description cohérente des pratiques nutritionnelles dans les futurs comptes-rendus d’étude pourrait permettre de déterminer plus clairement si le contrôle strict de la glycémie n'est efficace que chez les patients recevant des doses élevées de glucose par voie intraveineuse.

Comme Wiener et al.5 l'ont mentionné dans leur discussion, une interprétation de leur méta-analyse pourrait être que sa puissance était insuffisante pour mettre en évidence la signification statistique d'une différence cliniquement importante en termes de mortalité. La réduction absolue de la mortalité observée en cas de contrôle strict de la glycémie était d’1,7 %, ce qui signifie que 58 patients devraient être traités pour prévenir un décès, un nombre que la plupart des cliniciens considèreraient sans doute comme raisonnable. Cela dit, la limite supérieure de l’intervalle de confiance 95 pour le risque relatif de mortalité était de 1,03, ce qui indiquerait qu'un contrôle strict de la glycémie entraînerait une légère augmentation de la mortalité. L’effet bénéfique ou nocif d’un contrôle strict de la glycémie reste donc incertain, et, au vu des résultats cohérents indiquant qu’il augmente le risque d'hypoglycémie sévère, le risque de nocivité ne peut pas être écarté. De plus amples données concernant les effets bénéfiques et nocifs d’un contrôle strict de la glycémie chez le patient en état critique seront disponibles une fois l’étude NICE SUGAR, une étude pragmatique sur le contrôle strict de la glycémie réalisée dans 41 hôpitaux australiens, néo-zélandais et canadiens et dans la Mayo Clinic aux États-Unis, terminée. Le recrutement de 6 100 participants sera achevé en août 2008 et les résultats de l'étude devraient être disponibles au cours du premier semestre de 2009. Dans la mesure où l’on s’attend au décès d'environ 30 % de la population à l’étude au cours de la période de suivi de 90 jours, on estime à environ 1 800 le nombre de décès qui surviendront dans le cadre de l’étude NICE SUGAR, qui devrait considérablement augmenter la puissance de toute future méta-analyse.

Dans l’attente des résultats de l’étude NICE SUGAR, comment les cliniciens et décideurs politiques devraient-ils interpréter la méta-analyse de Wiener et al. ?5 Au vu de l'absence d'une norme standard en termes de contrôle de la glycémie et des données incomplètes de la plupart des essais, et étant donné que l’effet de la variabilité de la glycémie et des mesures imprécises de la glycémie restent incertain, il convient de considérer cette méta-analyse plutôt comme une étude d'efficacité réelle à grande échelle. La méta-analyse indique plus probablement l’effet du ciblage d’un contrôle strict de la glycémie chez des patients sélectionnés dans de nombreuses USI dans des établissements divers utilisant des schémas thérapeutiques et des méthodes de surveillance de la glycémie différents ainsi que des niveaux variables de contrôle de qualité. Ces résultats pourraient être bien plus proches de l’effet observé en cas d’adoption d’un contrôle strict de la glycémie dans la pratique clinique quotidienne que des résultats observés dans l’étude initiale de van den Berghe et al.1

Comment les résultats de l’étude NICE SUGAR pourraient-ils influencer une future méta-analyse ? Dans le cadre de l'étude NICE SUGAR, le contrôle de la glycémie est standardisé dans les 42 centres participants grâce à l’utilisation d’un algorithme de traitement basé sur Internet qui capture les mesures de glycémie en temps réel. Malgré la disponibilité de données exhaustives concernant le contrôle de la glycémie, les préoccupations concernant la précision de la mesure de la glycémie au chevet du patient demeureront valables ; cela dit, de plus amples données relatives à l'efficacité réelle seront disponibles pour de futures méta-analyses. Si cette étude met en évidence une réduction de la mortalité en cas de contrôle strict de la glycémie, cela suffira sans doute à encourager et à rendre les demandes en faveur de l’adoption d’un contrôle strict de la glycémie en tant que normes de soins. Si le résultat obtenu était neutre ou si des preuves supplémentaires contre l’utilisation du contrôle strict de la glycémie étaient établies, tout intérêt envers un contrôle strict de la glycémie chez le patient en état critique devrait-il être abandonné ? Dans la mesure où la cible glycémique est inférieure à 180 mg/dL dans le groupe de patients (témoins) dont la fourchette glycémique est la plus élevée dans le cadre de l'étude NICE SUGAR, même une étude négative ne fournirait pas de preuves en faveur de l’abandon du contrôle de la glycémie. Néanmoins, les investigateurs étudiant le contrôle strict de la glycémie devraient faire prendre du recul et traiter des questions fondamentales de la définition de normes de qualité en terme de contrôle strict de la glycémie, chercher à identifier des méthodes abordables permettant des mesures fréquentes et hautement précises de la glycémie dans les USI et réaliser des études multicentriques d’efficacité potentielles afin de déterminer la fourchette glycémique la plus stricte permettant de réduire la mortalité dans des conditions optimales.

Si l’efficacité d’un contrôle plus strict de la glycémie (entre 80 et 110 mg/dL) peut être mise en évidence en conditions optimales, le fait de déterminer comment en faire profiter des millions de patients en état critique dans les pays développés et à faibles ressources des quatre coins de monde constituerait un défi réellement utile. Il n’y a aucune réponse claire ou simple au problème complexe du contrôle de la glycémie chez le patient en état critique ; à l’heure actuelle, on ne peut pas dire s’il est bon ou non de cibler un contrôle strict de la glycémie.


Informations sur les auteurs

Auteur correspondant : Simon Finfer, MBBS, PO Box 443, Wahroonga, Sydney, NSW 2076, Australie (sfinfer{at}george.org.au).

Liens financiers : Aucun déclaré.

Hommage : Cet éditorial est dédié à la mémoire de notre ami et collègue, le Dr Naresh Ramakrishnan (1968-2008), décédé le 1er juillet 2008.

Note : Le Dr Finfer est l’investigateur en chef de l’étude NICE SUGAR et le président du comité international de gestion de cette étude. Lors de la rédaction de cet éditorial, le Dr Finfer n'avait connaissance d'aucune donnée de résultat de l'étude NICE SUGAR.

Les opinions exprimées dans les éditoriaux sont celles de leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de JAMA et de l'American Medical Association.

Affiliations des auteurs : Critical Care and Trauma, The George Institute for International Health (Dr Finfer), Université de Sydney, et Intensive Care Unit, Royal North Shore Hospital (Dr Finfer et Delaney), Sydney, Australie.

Voir aussi page 933.


BIBLIOGRAPHIE

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