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  Vol. 300 No. 15, 15 octobre 2008 TABLE OF CONTENTS
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L'Amour victorieux


Figure 1
"L'Amour victorieux", Le Caravage, 1602 Germaldegalerie, Berlin

Amor Vincit Omnia (L'amour triomphe de tout) généralement traduit par L'Amour victorieux est une œuvre peinte en 1602 par l’artiste italien Michanlangelo Merisi da Caravagio di Le Caravage.

Le Caravage avait peut-être en tête Le génie de la Victoire de Michel Ange (1532-1534) lorsqu'il a composé la pose de son Cupidon. Le Caravage peint cette œuvre entre 1601 et 1603 sur commande de Vicenso Giustiniani, aristocrate et riche banquier de Rome. À partir de cette époque, le peintre concentre son travail sur des œuvres religieuses commandées par le clergé, et c'est donc ici l'une de ses dernières œuvres pour un commanditaire privé.

Le moindre faux pas, la moindre maladresse classerait Le Caravage dans la liste des innombrables peintres de la fructueuse Renaissance et son génie : Avouer la vérité sur la toile des sujets qu’il maîtrise. Le Caravage, maîtrisera à la perfection la lumière, l'espace et le relief : son travail sur les ombres portées, la perspective et la profondeur de champ, préfigure l'ensemble de la peinture moderne, qu'il influencera pendant plusieurs siècles jusqu'aux Impressionnistes.

Le Caravage changea la face de la peinture en plaçant sous son pinceau trois composantes inconnues jusqu’alors : le mouvement, la perspective et la lumière.

Dans son sillage, les peintres italiens emprunteront la voie de la Renaissance...

Le tableau représente Cupidon, allégorie de l'Amour, sous les traits d'un garçon brun, nu, portant de larges et sombres ailes d'aigle. Il est juché en équilibre sur ce qui semble être une table recouverte d'un drap, une jambe avancée vers le spectateur et l'autre repliée vers l'arrière; son bras gauche est lui aussi caché vers l'arrière. La pose n'est pas sans rappeler Le génie de la Victoire (1532-1534), sculpture de Michel Ange pour le tombeau de Jules II. Dans la main droite il porte des flèches, attributs classiques de Cupidon. Autour de lui et sur le sol ont été placés des emblèmes des passions humaines: un violon et un luth, une armure, un sceptre et une couronne, une équerre et un compas, une plume et une partition de musique, des feuilles, un globe astral... La musique, la guerre, le pouvoir, le savoir sont donc aux pieds de l'Amour.

Le tableau illustre ainsi un des poèmes des Bucoliques de Virgile « Omnia vincit amor et nos cedamus amori », l'Amour vainc tout et nous aussi, cédons à l'amour.

La partition de musique montre la lettre V, probablement en référence au commanditaire Vincenzo Giustiniani. Il a été suggéré que la couronne soit une référence aux ambitions de Giustiniani concernant l'île de Chios sur laquelle sa famille génoise régnait avant la domination turque ; ainsi, tous les objets le concerneraient, les instruments pour son amour de la musique et des arts, l'armure pour ses futures conquêtes...

Le peintre Orazio Gentileschi baptisera le tableau Amour terrestre, et ce fut immédiatement un succès dans les cercles intellectuels de Rome. Un poète écrivit trois madrigaux et un autre une épigramme latine reprenant le vers de Virgile Omnia Vincit Amor ; mais ce n'est que lorsque le critique Giovanni Pietro Bellori écrivit une biographie du Caravage en 1672 que l'œuvre prit ce titre.

Auteur d’un grand nombre d’œuvres, Le Caravage, est l’un des fondateurs de l'art de la Renaissance.

Proche des milieux humanistes, protégé et ami du sculpteur Donatello, il impose très rapidement une vision originale qui rompt avec la naïveté médiévale. S'inspirant de la sculpture, il invente un langage pictural appuyé non pas une aptitude à représenter un sujet mais sur un ensemble de techniques : géométrie, chimie des couleurs, anatomie.

Cette représentation de Cupidon étonne par son caractère réaliste. Techniquement tout d'abord, le Caravage utilise la technique du clair-obscur de façon poussée. Le fond est quasiment noir et la seule lumière vient de la carnation claire du personnage et du tissu blanc sur lequel il est assis. La palette ne reprend que des tons bruns et blancs. Il n’hésite pas a offrir un réalisme d'autant plus marquant que le personnage est quasiment de taille réelle.

Le Caravage est le témoin d une époque en pleine mutation religieuse et morale. Il nous projette ici dans un monde inhabituel, alors que les représentations habituelles, de l'époque jusqu'à nos jours, représentent Cupidon sous les traits d'un jeune garçon angélique, idéalisé, parfois asexué, il prend ici les traits d'un garçon au regard plus aguicheur que charmeur, pas réellement beau, aux allures d'un enfant des rues.

Le Caravage a toujours exprimé la vie sur ces toiles ainsi, L'allégorie est ici mêlée au réel, à tel point que l'on peut se demander s'il s'agit réellement d'une représentation de Cupidon ou du garçon déguisé en Cupidon.

De nombreux critiques ont mis en avant l'érotisme de cette peinture ou la relation et l’attirance homosexuelle supposée du Caravage envers ce modèle. En effet, la position de Cupidon et son regard peuvent revêtir un caractère sexuel ambigu pour le spectateur. Toutefois, il semble que l'allusion soit récente et que les contemporains du tableau, n'y aient rien trouvé de choquant; Vincenzo Giustiniani placera l'œuvre en bonne place dans sa collection.

D'autre part, l'approche de la nudité des enfants et de la sexualité n'avait rien de commun au XVIIème siècle avec celle que nous avons de nos jours.

Concernant la relation entre le modèle et le Caravage, Richard Symonds, un visiteur anglais à Rome en 1649/51 décrit le personnage comme étant un servant du Caravage. Selon l'historien Giani Pappi, ce garçon, qui apparaît dans plusieurs peintures du Caravage, ne serait autre que Cecco Boneri dit Cecco del Caravaggio, lui-même peintre plus tard.

L'Amour Divin et l'Amour Profane, En 1602, peu après que le tableau eut été terminé, le Cardinal Benedetto Giustiniani (frère de Vincenzo et collaborateur de sa collection) commanda une peinture à Giovanni Baglione.

Le peintre et critique Giovanni Baglione qui admirait le Caravage pour sa technique et s'en est beaucoup inspiré, était aussi son ennemi déclaré et a souvent eu maille à partir avec lui. En réponse à l'Amour Victorieux, il peint plusieurs versions d'un tableau intitulé L'Amour Divin et l'Amour Profane mettant en scène le même jeune garçon surpris par un ange divin lors de frasques sexuelles avec un satyre ou un démon, et ce dans un style calqué sur celui du Caravage. Dans l'une de ces versions conservée à Rome, le satyre tourne la tête vers le spectateur, et l'on peut y reconnaître les traits du Caravage caricaturé par Baglione. Les œuvres dans lesquelles figurerait ce garçon sont souvent issues de scènes religieuses et Giovanni Baglione déclare " Nous retrouvons ce garçon dans le Martyre de Saint Mathieu peint en 1599-1600, où le garçon serait ici l’ange et le nuage, le Sacrifice d’Isaac 1601-1602 où le garçon est Isaac, le fils d’Abraham devant être sacrifié, David (1600) où le garçon serait David alors que la tête de Goliath n’est autre que le Caravage lui-même et enfin dans Saint Jean Baptise en 1602.

Si Le Caravage, s'inscrit totalement dans le grand mouvement italien de la Renaissance, il en est en même temps une figure solitaire, presque inclassable : ses toiles, d'une verve éblouissante, fourmillent d'anecdotes exprimées avec truculence et humour. On sait peu de chose de sa vie, et la date même de sa naissance ne peut être établie avec exactitude. Il est le fils d'un fourreur vénitien, et étudie dans sa jeunesse avec le mathématicien Luca Paccioli, élève de Piero Della Francesca. On ignore tout de sa formation artistique, mais il semble avoir eu son propre atelier très tôt. Élaborant une technique picturale et narrative extrêmement sophistiquée, faites de fuites d'architectures, de perspectives obliques, d'ombres forcées et de lumière artificielles, il détourne subtilement la réalité pour composer des univers à la fois évocateurs et irréels.

Mais son œuvre ne saurait se réduire à un exercice de paysagiste virtuose ou de scènes de la vie courante ou biblique. Amoureux des plaisirs de la vie, il anime chacune de ses toiles de mille détails insolites et souvent comiques ce qui le classerait aujourd’hui sans retenue parmi les peintres du 21e siècle.

Emma Guerlain







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